Avec les nuits plus longues en hiver, la faune sauvage se fait plus visible en fin de journée le long des axes routiers. Les chocs entre les véhicules et les animaux sont fréquents, et il n’est pas toujours évident d’adopter les bons gestes. L’association Aquila qui agit dans les Hautes-Alpes et les Alpes de Haute-Provence depuis 1980 dispose d’un centre de sauvegarde qui accueille la faune blessée ou en détresse en vue de la réinsérer dans son milieu naturel.
Michel Phisel est responsable du centre de sauvegarde de Plan de Vitrolles. Totalement dévoué à la cause animale, l’ancien exploitant agricole fait partie de ces hommes qui vous marque l’esprit dès la première rencontre. Président de l’Union Française des Centres de Sauvetage de la faune sauvage il a dédié sa vie aux animaux. Naturaliste autant que philosophe, quand il évoque la mission qu’il s’est confiée en oeuvrant au quotidien, Michel assure avec certitude : « Nous devons faire en sorte que ces animaux restent libres et sauvages ». Libre et sauvage, deux adjectifs qui lui collent à la peau.
Un animal accueilli au centre des Hautes-Alpes ne le sera que temporairement, le temps de retrouver les forces nécessaires pour revenir dans son milieu naturel, et n’y sera accueilli que si l’animal n’a pas d’autre option de survie. Un animal légèrement blessé pourra tout à fait retrouver ses forces par lui-même, dans la nature. Si une intervention chirurgicale est nécessaire, il faut mesurer jusqu’à quel point elle va modifier sa façon d’être dans la nature, et ses chances de rester autonome car un animal sauvage restera tout au plus une année en volière. Ainsi, trouver une bête mal en point sur le bord d’une route ou ailleurs dans la nature ne nécessite pas toujours l’aide des humains. Chaque cas de figure étant unique, il est difficile de faire des généralités mais deux ou trois astuces peuvent être bonnes à garder en mémoire quand la situation se présente :
- Garder son calme est essentiel, les animaux choqués peuvent réagir brutalement.
- Des gants sont nécessaires pour manipuler les animaux, s’il s’agit d’un rapace ses serres ou son bec peuvent être blessants. Par ailleurs, il peut être porteur de maladies.
- Même s’il est affaibli, il ne faut pas donner boire ou à manger à l’animal, ni lui donner de médicament.
- Enfin, s’il doit être sauvé, il faut placer l’animal dans un carton suffisamment grand, percé de trous d’aération et s’assurer qu’il ne subisse pas de choc thermique.
Mais avant toutes ces étapes, les conducteurs soucieux peuvent prévenir la faune de leur passage grâce à un avertisseur ultrasonique qui, à plus de 50km/h, permet aux animaux d’être prévenu du danger. Dans tous les cas et au moindre doute, un SMS[1] doit être envoyé à l’association en indiquant le lieu et les conditions dans lesquelles l’animal a été trouvé. Ce geste peut suffire en sachant que les préconisations ne valent que si le centre de soin a indiqué que l’animal devait être pris en charge. Un oiseau qui ne vole pas sera toujours pris en charge. Quant aux mammifères, l’affaire sera davantage évaluée . Il faut tout de même savoir que le transport d’un animal sauvage est une pratique très réglementée , il faut donc s’assurer de l’aval de l’association en cas de contrôle, ou préférer la venue d’un bénévole qui assurera cette tâche pour laquelle il est certifié.
Parmi les animaux admissibles au centre de soin, il y a les mammifères, les oiseaux et chiroptères présents naturellement sur le territoire national, les psittaciformes (perroquets, perruches…qui peuvent avoir un impact négatif sur la faune autochtone), et les tortues terrestres.
Michel Phisel intervient notamment dans les Parcs nationaux où il participe à la formation des professionnels. Et à 66 ans, la passion est toujours là. Pour sensibiliser le grand public, il a imaginé le spectacle Tête de piafs et tas de bestioles dans lequel il aborde avec humour le sujet qui l’anime tant. Il ironise sur le fait que chacun garde en mémoire l’image fantasmée des animaux dessinés par Walt Disney tels que Panpan ou Bambi. Mais les animaux n’ont pas toujours besoin de notre anthropocentrisme ou de notre sentimentalisme romancé pour surpasser les épreuves de la vie, et vivre en volière n’est clairement pas leur destin. D’autant que la captivité peut être fatale pour certaines espèces comme le chevreuil.
L’association qui partage volontiers ses sauvetages réussis aime rendre public les relâches d’animaux soignés. L‘occasion pour Michel Phisel de transmettre ce qu’il sait de la faune ou plus simplement de la vie, de sa philosophie aussi qu’on pourrait appeler la sobriété heureuse d’un naturaliste engagé.
[1] 06 77 97 21 22