C’est parti ! L’été commence. Et avec lui 17 éco-guides et éco-gardes vont sillonner les sites naturels les plus fragiles du Mont-Ventoux et des Baronnies provençales pendant toute la saison. Une grande première pour le Parc des Baronnies provençales qui accueillera deux éco-guides. Ils auront pour mission principale de comptabiliser et sensibiliser les visiteurs aux bonnes pratiques à adopter pour préserver les milieux naturels. Ces jeunes médiateurs, formés grâce à un partenariat avec le Parc naturel régional du Mont-Ventoux, n’ont aucun pouvoir de police. Mais ils devront néanmoins être suffisamment agiles et diplomates pour faire comprendre les bonnes conduites à adopter sur les lieux où la faune et la flore sont menacés, notamment sur les sites comme les gorges du Toulourenc où ils pourront prêter main forte au éco-gardes du Parc du Mont-Ventoux.
Entre Drôme et Vaucluse, le Toulourenc est un site exceptionnel, une rivière à flanc de roche, longeant le majestueux Ventoux
Une nature à couper le souffle certes,mais bel et bien en danger. Les gorges, étroites mais accessibles, permettent à tous types de publics, y compris familiaux, de faire de la randonnée aquatique. Malheureusement, les aventuriers des gorges s’avèrent rarement au fait des impacts que leur pratique génère. Situé sur deux départements, deux Régions et deux Parcs naturels régionaux, toutes les forces se sont unies autour des gorges du Toulourenc pour que la gestion de la fréquentation soit une question de fond concertée et que les enjeux soient connus et assumés par tous.
Au hameau de Veaux, la randonnée aquatique pratiquée toute l’année pourrait être une activité tolérée, voire encouragée, si l’été ne voyait affluer jusqu’à 1000 touristes par jour. Le site a vu sa fréquentation doubler en pleine saison, passant de 50 000 à plus de 100 000 visiteurs par an depuis 2015. Dans cette vallée, entre vignes et oliviers, la route permet à peine à deux véhicules de se croiser. En plein été, une mer de voitures anarchiquement garées laissent refléter le soleil mordant sur les pare-brises au premier virage franchi. Il y a quelques années encore, des bus entiers venaient déposer des visiteurs pour des journées complètes, au frais. Au bord de la rivière, les détritus sont courants et les autres types de pollutions nombreux. La situation devenait suffisamment urgente pour qu’élus, défenseurs de la nature et institutions se concertent pour agir. La première des actions menées depuis que le site connaît une surfréquentation avérée et destructrice, fut celle de la désinformation. Les panneaux menant à la rivière ont été supprimés, les Offices de Tourisme et la presse ont eu pour adjuration de ne pas mentionner le lieu comme site de baignade. Mais cette méthode n’étant pas suffisante face au pouvoir irréversible du bouche à oreille, la solution d’une limitation du stationnement a permis de passer à la vitesse supérieure. Mis en place depuis le mois de juin 2021, deux parkings payants, l’un côté Drôme à Mollans-sur-Ouvèze, l’autre côté Vaucluse à Veaux, sur la route de Malaucène, permettent de contenir le nombre de véhicules, et par là même, le nombre de visiteurs. 60 voitures peuvent trouver place de chaque côté. Une fois les deux parkings complets, la fermeture de la barrière indique que la jauge est atteinte. Des blocs de roches et des barrières de bois sur les bas-côtés ne laissent plus la place au stationnement sauvage. L’intention n’est pas de rendre le site inaccessible, mais au contraire de pouvoir garantir aux visiteurs matinaux une quiétude dans un milieu naturel préservé.
Afin de mieux cerner le problème, nous avons fait une première visite un jour de semaine du mois de juin, et une seconde un samedi matin. Le constat fut flagrant. Les deux parkings vides le mardi, étaient complets à 11h00 le samedi. Les jeunes saisonniers, gardiens des lieux pour l’été, endossaient déjà le rôle de médiateurs, invitant les uns à se garer côté Veaux et les autres à rebrousser chemin pour profiter d’autres activités de la région. Les flyers sur la table devant eux permettent aux visiteurs déçus de vite rebondir vers de nouvelles options ludiques proposées aux alentours. Côté rivière, les quelques marcheurs du mardi pouvaient déambuler dans un site splendide à l’eau cristalline, guidés par les clapotis de la rivière. Le samedi, l’affaire était bien différente. A force de passages de marcheurs-aquatiques, venus baguettes sous le bras et crème solaire dans le sac, l’eau était déjà trouble dès 11h00.
La rivière accueille des visiteurs rarement au fait des us à adopter sur ce type de site. Entre les randonnées en tongs pour certains, la création de barrages de pierres pour d’autres (qui rappelons-le, provoquent un échauffement de l’eau et forment des bassines mouroirs à poissons qui n’y trouvent plus d’oxygène), l’utilisation de crèmes solaires polluantes, ou les déjections canines, voire humaines, les surprises le long de la rivière peuvent être nombreuses et pas toujours heureuses. Si ces actes ne sont pas toujours mal intentionnés, leurs accumulations et leurs effets restent très néfastes, car tous participent indéniablement à la fragilisation du milieu.
« Les parkings sont le dernier moyen que l’on a d’agir. » affirme Juliette chassagnaud , animatrice Natura 2000 au sein du Parc naturel régional du Mont-Ventoux, en charge de la gestion de la fréquentation du site. Il existe pourtant d’autres possibilités pour visiter les gorges, l’une d’elles étant une Grande Randonnée qui passe quelques mètres au-dessus et permet de profiter de merveilleux points de vue. Finir une journée de marche sur des sentiers balisés en se rafraîchissant les pieds dans l’eau serait un premier pas vers une rivière qui pourrait retrouver sa quiétude.
Si les lieux de baignades naturelles sont des attractions difficilement égalables en été, d’autres activités pourraient être privilégiées par chacun pour offrir un peu de répit aux gorges du Toulourenc. Rappelons ici que les activités culturelles sont des ressources à ne pas négliger. A quelques kilomètres à peine, à Saint-Léger-du-Ventoux, le jardin singulier offre une programmation culturelle foisonnante et un site qui invite à prendre des chemins de traverses en observant la nature avec un regard neuf, au travers d’œuvres qui permettent aussi de comprendre l’esprit des lieux.