Elles sont un ravissement pour les yeux, surtout en ce moment. Qui ne s’est jamais extasié devant le rouge du coquelicot tranchant sur le jaune des blés ? Mais au-delà de l’aspect esthétique, savez-vous pourquoi les fleurs des champs sont si importantes ? Cette question est tout d’abord et plus généralement celle de l’intérêt de la préservation de la diversité biologique à tous les niveaux. Le Parc naturel régional des Baronnies provençales, sensible à une agriculture plus respectueuse de l’environnement et de la nature, s’inquiète depuis longtemps de la raréfaction voire de la disparition des fleurs des champs.
Car les messicoles vivent en association avec une microflore et une microfaune garantes de la bonne santé des sols et par conséquent des cultures qui s’y développent. Ces organismes constituent également un apport de nourriture important pour d’autres animaux. On trouve parmi eux de nombreux insectes auxiliaires des cultures ou des pollinisateurs précieux, ou encore des oiseaux granivores comme les perdrix. Les messicoles sont ainsi à la base de la chaîne alimentaire du champ cultivé et de ses abords.
Or, les pratiques agricoles s’insèrent dans un système d’exploitation qu’il faut percevoir globalement si l’on veut mettre en place des mesures durables de conservation. La restauration ou le maintien de la biodiversité dans l’espace agricole (mise en place d’une agriculture durable), nécessite la réduction des intrants chimiques, la mise en œuvre de rotations longues intégrant des phases de jachère, la réutilisation des semences céréalières, le maintien d’espaces semi-naturels au sein même de l’agrosystème. La présence de fleurs des champs (qui ne perdurent que dans les parcelles de céréales conduites sans herbicides et à charge azotée faible) constitue en soi un bio-indicateur pertinent.
Les fleurs des champs ont un écho culturel important. Elles symbolisent aux yeux de tous une nature vivante et un environnement de qualité (pensons à l’attrait et la signification des bouquets de bleuets et de coquelicots). Elles font également partie de la mémoire collective. Bleuets et Coquelicots sont les fleurs de la Nation symbolisant le bleu et le rouge du drapeau français, sans oublier la source inépuisable d’inspiration qu’elles représentaient pour les peintres impressionnistes comme Vincent Van Gogh ou Claude Monet avec son célèbre tableau « Les Coquelicots à Argenteuil » peint en 1873 et les écrivains tels que François Coppée, Robert Desnos, George Sand ou encore Victor Hugo.
Si aujourd’hui bien des poètes ont disparu, on constate que les plantes de nos moissons, en l’occurrence les messicoles, ont subi le même sort. Il suffit de contempler, au début de l’été, les uniformités des champs cultivés pour s’apercevoir que beaucoup de fleurs sauvages les ont désertés : le bleu de nos Bleuets, le blanc des Camomilles, le rouge des Coquelicots ne sont pratiquement plus là. Adonis, Nigelle, Pied d’alouette, Nielle des blés, ces plantes messicoles sont autant d’espèces emblématiques de la flore des champs, devenues bien rares dans nos campagnes françaises. La France est riche d’une grande diversité d’espèces messicoles. Nous avons donc une forte responsabilité de sauvegarde de cette biodiversité qui fait partie indéniablement du patrimoine français.
Bon nombre de plantes, compagnes des cultures, ont des propriétés pharmaceutiques (soin des yeux pour le bleuet, par exemple), alimentaires (huile de la cameline, salades sauvages : les mâches), horticoles (tulipes) toujours en vigueur de nos jours, et ont eu divers usages domestiques à travers les âges.
Les services écosystémiques rendus par les fleurs des champs sont encore peu évalués et certainement sous-estimés. Ainsi la Nielle des blés, bannie des moissons, car légèrement toxique pour l’homme à forte dose, favorise, par sa présence, la croissance des céréales. Presque toutes les messicoles ont été ou sont utilisées comme plantes médicinales, alimentaires ou horticoles. Pour certaines, elles présentent des propriétés utiles à l’homme et aux besoins de son développement.
Il est donc important de conserver ce réservoir de biodiversité végétale qui constitue un potentiel réel pour l’avenir. Il faut espérer que tout sera mis en œuvre pour que lentement, les plantes des moissons qui nous sont chères refleurissent. Autrement dit, la conservation des fleurs des champs nécessite non seulement de mobiliser des outils, mais aussi d’avoir une approche globale et intégrée et de mettre en place une animation auprès des réseaux d’acteurs concernés par cette problématique.
Fort de ce constat, le Parc naturel régional des Baronnies provençales, dans le respect des engagements de sa Charte, a souhaité poursuivre le travail sur les espèces menacées et plus particulièrement sur la préservation et la valorisation des espèces messicoles de son territoire.
Il a donc élaboré un livret de reconnaissance des fleurs pour communiquer et sensibiliser le grand public et les agriculteurs·trices : connaissance de ces espèces végétales (intérêt, patrimonialité, etc.), valorisation des bonnes pratiques agricoles locales, menaces, travail d’observation participatif, etc.
Il a aussi organisé des formations pour les agriculteurs·trices volontaires à la reconnaissance des fleurs des champs présentes dans les cultures agricoles et à la connaissance des bonnes pratiques permettant a minima leur préservation.