Entre Vercors, Drôme, Mont Ventoux, préalpes et vallée de la Durance, les Baronnies provençales forment un lieu demeuré longtemps méconnu, car situé à l’écart des grands axes de circulation, longtemps retiré car pourvu d’un relief exagérément tortueux et labyrinthique. Ce massif calcaire d’altitude moyenne, vestige d’un ancien fond marin à la géologie originale et aux formes impressionnantes, s’est trouvé de tout temps aux confins et à la frontière d’influences multiples.
Les Baronnies provençales, un lieu d’exception
Traversées par la limite septentrionale de présence de l’olivier, cultivé ici depuis l’antiquité, les Baronnies sont authentiquement provençales. Mais c’est une Provence montagnarde, une Provence en mosaïque, sans cesse atténuée ou affirmée en fonction de l’altitude et de la latitude.
Arpentez l’adret des montagnes, au sud, et vous traverserez des garrigues de thym, de lavande, des bosquets de chênes verts, des pelouses arides jadis parcourues par les troupeaux, des forêts de chênes blancs, de buis, de plus en plus gagnées par les pins. Basculez de l’autre côté, à l’ombre des ubacs, et ces pentes, exposées au nord, prendront aussitôt un caractère plus boréal, couvrant les chemins de la fraîcheur de hêtraies plus profondes. Pays calcaire fragmenté en tout sens, mais au sous-sol généreux gardant l’eau, les Baronnies n’ont pas la monotonie ni la sécheresse d’autres plateaux méridionaux. C’est un véritable puzzle paysager.
Un peu d’Histoire
Aujourd’hui à cheval entre les Départements de la Drôme et des Hautes-Alpes, les Baronnnies provençales ont été jadis disputées par le Comte de Provence et le Pape au sud et le Dauphin au nord. Mais, du fait de la rudesse de ses montagnes et de son climat, l’isolement relatif des Baronnies a aussi représenté une garantie pour la préservation de son autonomie. Forteresse naturelle hérissée de plusieurs dizaines de châteaux et de sites fortifiés, les Baronnies furent, au Moyen Age, la possession d’une famille élargie de « barons » indépendants ne répondant qu’à l’autorité directe de l’Empereur, et divisée en plusieurs branches, appelées du nom de leur fief, les “Mévouillon”, les “Montauban” ou les “Mison.
Ouvertes sur les piémonts de l’Ouest et de l’Est, Nyonsais ou vallée du Buëch, les Baronnies provençales bénéficiaient de contacts étroits et d’échange multiples avec l’extérieur. L’ancienneté d’un itinéraire, qui traversait le massif en reliant le Languedoc et le Comtat Venaissin à l’ouest à l’Italie à l’est par le col de Larche ou du Montgenèvre, atteste de cette ouverture vers l’extérieur. L’autonomie perdue des barons au début du XIVe siècle put réapparaître ponctuellement, notamment durant les guerres de religions du XVIe siècle, qui virent les Baronnies provençales se transformer un temps en vaste bastion protestant.
Région de passage et d’habitation dès le néolithique, riche en nombreuses traces d’habitation et d’exploitation à l’âge du fer, ancien territoire des Voconces précocement romanisé, les Baronnies provençales furent aussi une région de rencontre entre les cultures. On retrouve son caractère méridional, entre autres, dans l’architecture rurale avec l’usage de la tuile canal, dans la culture des plantes aromatiques ou de l’olivier, mais on peut y déceler aussi des influences plus septentrionales et montagnardes dans le dialecte notamment.
Les Baronnies provençales, n’ont jamais été un lieu totalement « désert ». Territoire oublié par l’industrialisation du XIXe siècle, voué à à polyculture et à l’élevage, les Baronnies provençales ont longtemps conservé les formes traditionnelles des sociétés rurales, rythmées, jusqu’au milieu du XXe siècle, par les travaux agricoles, les marchés, la vie des bourgs, si bien décrite par Barjavel, natif de Nyons.
Les évolutions de l’agriculture, récentes mais marquées, ont depuis quelques décennies modifié considérablement les paysages et les terroirs. La mécanisation a fait disparaître nombre de haies. Les antiques canaux ont été abandonnés ou remplacés par l’aspersion. Les terrasses en pierres sèches, sur les coteaux bien exposés et dévolus à la vigne ou à l’olivier, ont été abandonnées. La forêt, avançant sur des terrains parcourus par de trop rares troupeaux, la vie des hommes s’est repliée sur les fonds de vallée. Les terrains, jadis domestiqués y compris en altitude, s’enfrichent, conférant désormais à la région, dès qu’on quitte les fonds de vallées cultivéss, le caractère pittoresque d’une région sauvage.