Certains viennent dans le Parc des Baronnies provençales pour son soleil, d’autres pour sa lavande ou ses plantes aromatiques. Ici on est prêt à parier que dans quelques années, on viendra dans les Baronnies provençales pour ses pelotes de laine ! Mérinos, pré-alpes, alpaga, cachemire ou mohair… toutes les fibres sont dans la nature ! Dehors toute l’année, brebis, chèvres et alpagas vivent au grand air et sont dans une forme olympique. La santé des animaux ayant un impact direct sur la qualité de la laine, qu’on se le dise, nous disposons ici d’une matière première supérieure, alliée des hivers douillets. Alors ? Prêt à commander vos pelotes aux teintures naturelles, ou votre pull en cachemire made in Baronnies provençales ?
Fait assez rare pour être souligné, le Parc naturel régional des Baronnies provençales compte deux éleveurs de chèvres cachemires passionnés. Catherine et Bernard Lanteaume s’imposent ici tels des aventuriers de la laine. Dès les années 1980, Bernard a pressenti qu’avec la laine il y avait un fil à tirer. Le couple s’est alors rendu au Texas où ils ont soigneusement sélectionné 200 chèvres angoras qu’ils ont fait venir en France par avion. Et c’est en Australie qu’ils sont allés chercher leurs premières chèvres cachemire. Ainsi, ils sont les seuls éleveurs de cette race au sein du parc, et font partie des très rares éleveurs de chèvres cachemires en France. Ceci s’explique probablement par le fait qu’une chèvre cachemire ne produit que 150 grammes de toison par an et qu’il faut élever une chèvre pendant cinq ans pour récolter la précieuse toison qui permettra de faire un seul et unique pull ! Mais quel pull ! Si un pull en cachemire nécessite un entretien méticuleux et un lavage à la main, il est néanmoins possible de le porter pendant de nombreuses années sans qu’il perde de sa qualité ou même sa forme. À la Ferme de la Montagne à Sigottier (hébergement bénéficiaire de la marque Valeurs Parc naturel régional), Catherine et Bernard s’occupent aussi de leurs 120 chèvres angoras. Il s’agit probablement de l’élevage le plus important de cette race en France. Chaque chèvre angora peut offrir jusqu’à 4 kg de laine par an. Dans leur atelier-boutique à l’ambiance feutrée, les étagères sont vivement colorées et remplies de pelotes soyeuses. Catherine, attentive aux tendances, prend conseil chaque année auprès des stylistes parisiens pour colorer sa laine aux courants du moment, et comme chaque année, elle s’y prend dès le printemps pour penser cette étape, car la laine passera par une dizaine façonniers et ira jusqu’en Italie où se trouve la filature la plus proche, pour revenir à la ferme six mois plus tard. Puis Catherine vendra les accessoires, pulls et vestes qu’elle confectionne sur les marchés, foires bios et magasins de producteurs de la région.
Revenons à nos moutons…
De part sa situation géographique, la majorité des éleveurs des Baronnies provençales ont fait le choix d’élever des ovins principalement pour leur viande. La Pré-Alpes reste naturellement la race la plus commune ici. Pourtant la laine de cette espèce est moins propice à la confection de vêtements. Souvent méprisée, elle reste néanmoins une matière première incontournable pour la literie par exemple. La coopérative Ardelaine, côté Drôme-Ardèche, a d’ailleurs fait connaître son savoir-faire sur ce terrain depuis plus de quarante ans avec la Mérinos notamment. Les débouchés pour la laine sont actuellement en réflexion et il se peut qu’après avoir lu ces quelques lignes, votre commande de pull prenne un tout autre sens. Ainsi, le Parc naturel régional des Baronnies provençales en partenariat avec la fédération départementale ovine et la Chambre d’Agriculture de la Drôme, a permis en 2021 l’accueil d’une stagiaire qui est allée à la rencontre des éleveurs et des consommateurs. Son étude a permis de révéler que cette ressource reste à ce jour une matière première encore mal considérée. Néanmoins, on a pu constater que ses propriétés la mette au premier rang des matières naturelles isolantes. Cependant, d’autres problématiques apparaissent (odeurs, conservation, protection contre les mites…). Cette étude a également mis en avant qu’il faudra mettre en place des expérimentations pour trouver de nouveaux débouchés à la laine des Baronnies. On peut penser au paillage puisque les premiers éléments ont montrés que la laine de pré-alpes s’avérerait particulièrement adaptée pour le cette pratique sur les cultures. Par ailleurs des expérimentations sont menées ailleurs en France pour essayer de composter la laine pour en faire un fertilisant naturel pour les sols. Tous ces débouchés permettraient de résoudre les questions de transport de ce soi-disant « déchet » qui était jusqu’alors transporté vers la Chine, soulageant ainsi l’impact environnemental de telles pratiques et permettant de revaloriser financièrement le travail des éleveurs. C’est un travail de patrimonialisation qui a également été mené afin de révéler l’histoire de cette matière finalement précieuse disponible sur le territoire et qui a marqué une bonne partie de l’histoire locale. Enfin, les différentes rencontres menées grâce à ce projet ont permis de mobiliser des créateurs textiles en Drôme qui ont vu en cette laine un matériau propice à la confection de pantalons… Affaire à suivre donc.
Tirons encore un peu le fil … de la laine, et découvrons les secrets de fabrication des éleveurs baronniards. A Ballons, Yann Rudant et Claire Lapie sont bergers. Ils élèvent et transhument leur troupeau toute l’année autour de leur Colline aux moutons, là où l’herbe est toujours plus verte et plus tendre. Ici, tout est propice au bien-être animal, et cela se ressent dès qu’on voit le troupeau gambader. Malgré sa modestie Claire Lapie montre une certaine fierté à parler de ses moutons (et elle a raison !). Ainsi se plaît-elle à dire qu’ils disposent de la laine mérinos la plus fine que l’on peut trouver en France. Souplesse, solidité, élasticité, et chaleur bien entendu, font de cette laine un incontournable pour quiconque se lancerait dans l’aventure d’un chandail. La mérinos est également un isolant imbattable qui offre la propriété d’être à la fois chaude en hiver et fraîche en été. Adieu les pulls « qui grattent » ! Elle ne contient pas de jarre, cette fibre grossière qui protège les moutons des intempéries. Cette laine s’avère donc idéale pour la confection de la layette car elle est particulièrement adaptée aux peaux sensibles. Ajoutez à cela un tri manuel, et le tour est joué, rien ne viendra gâcher les petits plaisirs d’un pull fait main. Enfin, elle absorbe l’humidité, un atout de plus à ses propriétés nombreuses qui transforment d’un coup d’aiguille magique une pelote en une paire de chaussettes idéale pour l’hiver !