La laine, une filière d’avenir dans le Parc

De la Drôme aux Hautes Alpes, le pastoralisme a toujours trouvé sa place en organisant la vie des familles et des villages. Aujourd’hui, les collines laissent toujours paître nombre de troupeaux qui semblent se plaire à l’ombre des arbres, suivant les saisons. La filière laine pourrait trouver ici un terrain favorable et être solidement établie, mais le maillage entre les professionnels reste à consolider. Les nombreuses vallées isolant chaque éleveur ou tisserand ne facilitent pas le lien. Ainsi le contexte invite-t-il à être de tous les fronts, de l’élevage aux marchés artisanaux, même si cela requiert de multiples compétences. Nous avons rencontré une irréductible de la laine, Prunelle Liévaux, une de celles qui n’a pas froid aux yeux et pour qui la tâche n’est jamais synonyme de corvée.

Bienvenue à Valouse. Au col, qui culmine à 735 mètres d’altitude se trouve la ferme et l’atelier de Prunelle Liévaux. Sous la montagne de Miélandre, Prunelle ne craint pas la solitude. Sur la table de la cuisine, un biberon trône et viendra contenter dans quelques minutes un des agneaux fraîchement nés. Avec quelques 100 brebis et 44 agneaux, Prunelle qui n’a pas d’enfants, a tout de même une grande famille dont elle doit prendre soin. Et, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle prend son rôle à cœur. Car rien ne lui échappe ! Côté ferme, l’ancienne Compagnonne du devoir qui connaît la dureté du travail à la chaîne dans les usines de maroquinerie, a repris en 2016 l’affaire familiale et mène l’élevage sans rechigner, car elle connaît sa chance. Ainsi, Prunelle tond volontiers chacune de ses brebis, la fin de l’hiver venu, et pourtant l’énergie déployée pendant une journée de travail lors de cet exercice correspond, dit-elle, à un semi-marathon !

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La filière laine, elle la connaît bien… du moins, à sa façon, car « tout » faire n’est techniquement pas possible. Laver la laine et la filer sont des activités qui ne sont pas envisageables à la ferme ou ailleurs sur le territoire. Ainsi avec deux autres éleveuses de la Drôme, s’aventurent-elles sur les routes de France en camion rempli de la précieuse toison. Le périple les mène ensemble jusque dans la Loire pour le lavage, puis dans la Creuse où la filature les attend. Ce périple concerne la plupart des éleveurs du Parc naturel régional des Baronnies provençales, qui n’ont pas de solution plus proche.

De retour à Valouse, pas le temps de défaire sa valise que Prunelle file déjà au sommet de Miélandre pour garder le troupeau. Là-haut, elle pourrait reprendre son souffle et compter les moutons. Mais non, Prunelle préfère cueillir la bruyère sauvage sur la prairie. Après une randonnée utile, les casseroles en cuivre sont déjà sur le feu. La bergère devient alors teinturière. Et elle n’y va pas avec le dos de la cuillère pour égayer nos armoires ! D’ailleurs dans la sienne sèche un beau sac de cosmos sulfureux qui lui permettra de proposer des pelotes aux tons orange vifs. Le genêt sera récolté à la belle saison pour assurer un camaïeu de jaunes. Et parmi les trésors naturels qui se cachent au col de Valouse, on trouvera la garance ou encore le pastel des teinturiers, seule plante tinctoriale européenne à donner naturellement un bleu indigo.

Si vous pensiez que l’éleveuse, bergère et teinturière voulait s’arrêter là, c’était sous-estimer son ardeur, car la jeune femme tient à la diversité de son métier… comme à la prunelle de ses yeux ! Après une journée de travail au grand air, la touche-à-tout tient à se détendre tout en gardant le fil de ses idées, car oui… Prunelle tricote ! Quand la saison des marchés artisanaux reprend, elle rejoint le joyeux groupe de « laineux » de la Toison d’art, et vend pelotes, pulls, écharpes et autres créations à la fameuse fête de la laine de Crest, ou ailleurs de la Haute Loire au Vaucluse, en passant par la Haute-Savoie, la Drôme et les Hautes-Alpes, sur les routes sinueuses qui mènent aux amateurs du travail bien fait.

Si les années 70 avaient permis aux tisserands de se regrouper pour valoriser leur savoir-faire, cela fait maintenant 30 ans que la Toison d’Art fait connaître les acteurs de la filière textile et le patrimoine artisanal au grand public. L’association permet aussi aux artistes, artisans et éleveurs de se fédérer. Aujourd’hui, c’est une nouvelle étape qui se met en place. Suite au Printemps de l’agriculture en 2019, qui avait permis un temps de discussion entre les professionnels, le Parc naturel régional des Baronnies provençales a réfléchi à un projet « laine » avec la Chambre d’Agriculture de la Drôme et la Fédération départementale ovine. Emma Larue, une stagiaire qui vient tout juste de prendre ses fonctions, va mener un état des lieux de la filière dans la Drôme et au sein du Parc naturel régional des Baronnies provençales. Après quelques semaines seulement, un premier constat peut déjà être fait : la laine en surplus, celle qui n’est pas valorisée directement par les artisans, part beaucoup moins en Chine rejoindre la méga filière textile depuis le début de la crise sanitaire. Alors, pour ne pas enfouir les restes de laine considérés comme des déchets, il faut permettre aux éleveurs de trouver des issues à cette problématique. Des pistes sont à explorer localement notamment au niveau de l’isolation des habitats, car qui peut nier que la laine tient chaud ? Il y a fort à parier que de nombreuses autres thématiques et problématiques trouveront réponse grâce à ce nouveau projet cofinancé par le Parc naturel régional des Baronnies provençales et la Chambre d’agriculture de la Drôme, en partenariat avec la Fédération départementale ovine.

 

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