Aimer Faire en faveur du vivant

À chaque rentrée des classes, c’est un projet hors norme qui a lieu au sommet du Montrond, au-dessus du village de Rémuzat. Depuis quatre années, une vingtaine d’élèves en classe de Première de la MFR Mondy de Bourg-de-Péage (26) vient prêter main-forte à un groupe d’éleveurs-naturalistes. Soutien physique pour une tâche qui demanderait un effort trop important pour un seul homme. Et relève philosophique, car ce projet qui vise à rouvrir les milieux naturels se veut exemplaire, tant pour l’environnement, que dans le système éducatif actuel, tant le partage des idées et des valeurs y est central.

Il y a encore 40 ans, le sommet de la montagne du Montrond, désormais propriété de la commune de Verclause, était une véritable prairie. Le paysage était ouvert, et les allers et venues des troupeaux animaient la vie locale. Avec l’exode rural, la pratique a perdu de son actif. Le pin noir d’Autriche a pris une place considérable dans le paysage, participant certes au reboisement, mais prenant aussi significativement le pas sur le reste de la biodiversité. Les pins devenus adultes, la végétation en sous-bois s’est densifiée. Pour les brebis le pâturage est devenu difficile, et la pelouse s’est appauvrie ne permettant plus une alimentation qui les satisfasse toute l’année.

Le projet d’accueil des jeunes lycéens lors d’un chantier éclair vise justement à améliorer les possibilités depâturage et favorise d’autres phénomènes naturels bénéfiques à l’équilibre de l’écosystème. Les débroussailleuses sont à l’œuvre pour créer des passages pour les brebis. Le bois mort ou fraîchement coupé par les jeunes est laissé sur place et servira d’habitat pour les insectes. Puis ce sont les oiseaux qui se délecteront de ces petites bêtes. Oiseaux rares, protégés, ou oiseaux ordinaires, reptiles, orthoptères, papillons… chaque espèce a son rôle à jouer et doit trouver ou retrouver sa place. On connaît la chaîne alimentaire, mais quand il s’agit de l’appliquer à la réalité, les pratiques humaines ont pu omettre quelques fondamentaux. Ailleurs sous les grands arbres, les jeunes coupent les branches les plus basses pour permettre au troupeau de circuler, mais aussi de trouver de l’ombre ou un abri lors des intempéries. Tous les acteurs réunis ici visent à donner du sens à leur pratique, qui permet néanmoins à la nature de reprendre ses droits, de retrouver des paysages frôlant ceux d’antan, rendant possible une forme de retour du vivant, aidé par l’homme.

Le groupe constitué d’autant de filles que de garçons est rigoureusement accompagné par les enseignants. Les adultes observent chacun des gestes des jeunes pour qu’un vieil arbre empreint d’une valeur patrimoniale ne soit abattu par inadvertance. « On avait des connaissances théoriques, maintenant on comprend tout. En cours, on se dit que cela ne sert à rien et ici tout devient plus clair ! » déclare Liselle, une des élèves.

Azel Millot, diplômé de la MFR il y a un an, est l’élève sans qui tout ce projet n’aurait pu exister. En faisant naturellement le lien entre son univers intime, sa famille, et l’univers scolaire, il a eu l’ingénieuse idée de proposer cette immersion, et ce moment de cohésion de groupe, en mettant les forces et l’énergie de ses compagnons de classe au service du groupement pastoral dont son père Lukas est le fier représentant auprès des jeunes en cette occasion. Lukas déclare sans détour : « La MFR porte bien son nom, c’est une maison familiale et rurale, un lieu où mon fils a trouvé une seconde famille de cœur. Et puis écoutez, M… F… R… Ce lieu lui a clairement appris à Aimer Faire en faveur du vivant à MFR en faveur du vivant », répétera-t-il, en levant l’index comme le ferait un chanteur ou un poète en clamant ces trois syllabes !

Autour du cercle des jeunes, c’est donc tout un maillage professionnel qui joue le jeu de la rencontre et de la sensibilisation. Car chacun sait que le travail qu’ils mènent là-haut est d’une aide précieuse, et un moment clé pour les jeunes. Lors de ces moments de rencontre, le Parc des Baronnies provençales permet chaque année aux lycéens de découvrir les enjeux d’une zone classée Natura 2000, pas loin d’un site de nidification des vautours, et ceux d’un Espace Naturel Sensible. Ils comprennent alors que le débroussaillage qu’ils opèrent, même mécanique, prend tout son sens. Conservatoire d’Espaces Naturels,  MFR, bergers, éleveurs, naturalistes… Tous les acteurs concernés ont pris le relais des deux chargés de mission du Parc naturel régional des Baronnies provençales pour témoigner de ces accords idéologiques et politiques qui les animent sur ce bout de territoire.

Au fil des saisons, les corridors écologiques reprendront place sur le Montrond. La mosaïque de milieux ouverts recréée par les jeunes à l’issue du chantier permettra à la montagne de retrouver une biodiversité plus foisonnante, même au sein d’un écosystème en perpétuelle évolution, qu’il faudra penser, et repenser encore dès le prochain chantier en 2025, ou dans les années à venir… Dans les années à venir.

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