Le fromage représente en France un véritable patrimoine. Inégalé tant ses saveurs sont multiples, et d’une diversité rare, ce savoir-faire est aujourd’hui grandement menacé du fait des réglementations imposées autour de la pasteurisation. Parce que certains fromages, et notamment les fromages de montagne tendent à disparaître, le 27 mars est désormais la journée mondiale de ce met qui s’accorde si bien avec… un coteaux des Baronnies par exemple (toujours avec modération) ! Une occasion toute trouvée pour mettre en avant les savoir-faire au lait cru d’ailleurs et surtout ceux d’ici … Comme à Laragne-Montéglin, au hameau d’Arzeliers où un couple travaille corps et âmes pour nous servir des Banons comme sur un plateau !
Entre poire et fromage, dans les Baronnies provençales, on a choisi… !
Léa et Camille, respectivement 26 et 32 ans, vivent sur le plateau d’Arzeliers et sont éleveurs et fromagers depuis 2013. Leur ferme située sur le Parc naturel régional des Baronnies provençales est également à la limite-même de la zone géographique de l’appellation d’origine contrôlée AOC Banon ! Une chance pour ce couple qui trace fièrement son chemin en suivant une destinée à laquelle ils n’échappent pas !
Camille est né ici. Ses parents avaient sur ce lieu un centre équestre et des gîtes avant d’hériter de quatre chèvres d’une voisine qui, par ce cadeau quelque peu audacieux, voulut payer le fourrage qu’elle leur avait acheté ! C’est alors que l’histoire de la ferme chevrière a commencé. Les parents de Camille ont affiné leurs premiers fromages qu’ils vendaient quatre jours par semaine sur les marchés de la région de Nice d’où ils étaient originaires. Pendant ce temps, Camille, âgé alors de 14 ans, avait pour mission de traire matin et soir le troupeau toujours plus nombreux, en plus de ses journées au lycée déjà bien remplies.
Si Léa n’est pas née ici, du moins y a-t-elle été parachutée depuis le Doubs dès sa plus tendre enfance, quand son père venait pour les vacances pratiquer le deltaplane. Logeant chaque année au hameau, Léa attendait ce moment avec impatience, jusqu’au jour où elle n’a plus voulu repartir : « A 7 ans, je disais déjà que je voulais me marier avec Camille et que je voulais vivre ici ! ». La jeune femme que la formation destinait plutôt du côté des banques passe aujourd’hui une bonne partie de ses journées à la fromagerie. « Le fromage ça me plaît ! » déclare-t-elle sans chichi. Alors elle s’est formée à l’école puis auprès de sa belle-maman, pour mieux connaître les secrets de fabrication du Banon et de la tomme de chèvre.
Léa et Camille, rapidement victimes d’une sur-production de lait au regard leur capacité à le transformer, ont pris la décision de le confier à la laiterie Banon qui recherchait de nouveaux producteurs. Ainsi ont-ils mis de côté la production du Banon fermier, tout en se rassurant sur la destinée de leur matière première : « On a fait ce choix car on sait qu’ils sont respectueux du procédé de fabrication, et qu’ils continuent à produire du Banon au lait cru et entier ».
Le Banon ou l’art d’affiner des savoir-faire ancestraux
Le Banon n’est pas un fromage qu’on met sous cloche …mais sous feuilles de châtaigniers… il en va de sa réputation, et de la tradition ! Ce savoir-faire délicat, qui demande une certaine dextérité rend aussi ce crémeux de chèvre plus goûteux. Ainsi ce fromage si caractéristique par son allure unique, et sa robe entourée de raphia, se conserve plus longuement grâce à son emballage naturel, tout en se gorgeant de saveurs de sous-bois. On l’aura compris, le Banon révèle les saveurs de son aire de production ! Dessinée par les 179 villages de moyennes montagnes au climat méditerranéen dont 54 se trouvent sur le Parc naturel régional des Baronnies provençales, Drôme et Hautes-Alpes confondus. Les troupeaux de roves, d’alpines ou de provençales doivent gambader en plein air au moins 210 jours par an, alors il est peu de dire que le terrain y est favorable.
Encore très rare sur les plateaux de fromages du fait de sa faible production, le Banon s’impose tel un bijou précieux dans son écrin de verdure finement présenté. Et pourtant, l’une des plus petites AOC de France avec 50 000 tonnes de production par an se trouve très convoitée, on dit même qu’on se l’arrache à Paris, Londres, en Allemagne, en Italie…voire même au Japon ! Les AOC savent les limites, mais ne connaissent pas les frontières !