Ethique de l’abattoir

Au cœur des Baronnies provençales, un groupe de 13 éleveurs a dû redoubler de persévérance pour mener à terme son projet d’abattoir autogéré. Avec pour intention de donner plus de sens à leurs pratiques, quatre années auront suffi aux éleveurs et aux élus pour concrétiser le projet et la mise en place du bâtiment à Saint-Auban-sur-L’Ouvèze. La commune a su lire l’éthique dans la démarche des éleveurs, et a pu mettre en œuvre les moyens pour accompagner le groupe lors de chacune des étapes.

Quand, en tant que consommateur, nous faisons le choix de manger de la viande en circuit court, nous oublions parfois la réalité de la chaine de production. Si le sang est tabou, la mise à mort des animaux l’est d’autant plus. Mais pas chez ces éleveurs des Baronnies provençales qui voient la fin de vie de leurs bêtes et pour qui, si elle est bien faite, donne plus de sens et de valeurs à leur métier.

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Réunis et unis pour créer le seul abattoir actuellement en activité sur le Parc naturel régional des Baronnies provençales depuis que celui de Rémuzat et de Grillon ont fermé, chacun des éleveurs avait de bonnes raisons de rejoindre le groupe. Pour certains, la proximité avec le lieu évitait aux animaux des heures passées en camion à travers les vallées de la Drôme ou des Hautes-Alpes ; les abattoirs les plus proches se situant à Sisteron ou Die. D’autres éleveurs plus proches géographiquement des Alpes de Haute Provence qui auraient pu choisir la facilité en déléguant la tâche à des professionnels plus chevronnés à Sisteron, ont pourtant fait le choix de venir à l’abattoir de Saint-Auban sur l’Ouvèze. Pour eux, accompagner leurs bêtes jusqu’au bout est un devoir moral. Car oui, ce sont bien les éleveurs eux-mêmes qui accompagnent jusqu’au dernier souffle ovins et caprins, seules espèces admises ici. Le bien-être animal étant une valeur partagée parmi les éleveurs, tout a été pensé pour que le stress des animaux, mais aussi celui des hommes, soit minimisé au maximum. L’animal, qui perçoit la voix rassurante de son maître, avance sereinement jusqu’au bout, dans le silence. On est bien loin de ce que les animaux peuvent endurer ailleurs.

Agribiodrôme, qui fut le déclencheur du projet, a permis de fédérer les différents acteurs, des éleveurs à la DDPP de la Drôme. La commune, qui a su réunir des subventions, notamment auprès de l’état et de la Région, principal financeur, a donc pris naturellement en charge la construction du bâtiment en mettant, elle aussi, une part non négligeable dans le projet. Aujourd’hui, Saint-Auban sur l’Ouvèze loue le bâtiment à la Coopérative d’Utilisation de Matériel Agricole (CUMA) de Haute Ouvèze. Les éleveurs payent un loyer en étant aussi des partenaires financiers du projet. L’abattoir, qui visait au départ à être itinérant, s’est finalement vu contraint pour des questions sanitaires à devenir un projet sédentaire. La commune a donc fait le choix d’un bâtiment discret et écoresponsable, en installant notamment des panneaux solaires sur le toit.

C’est ainsi que tous les mardis matin, les éleveurs se donnent rendez-vous pour travailler ensemble, dans une entraide mutuelle. Ceux qui étaient des alliés et se fréquentaient ponctuellement, sont vite devenus des amis soudés. Et il faut s’attribuer une confiance absolue pour suivre à la lettre les réglementations qu’une telle entreprise impose. Un faux pas des uns peut entraîner la fin du projet pour tous. Les conditions d’hygiène sont strictes, et le lieu a été minutieusement pensé aux côtés d’un architecte pour que les gestes soient facilités, et qu’aucune étape ne soit oubliée. Grâce à l’abattoir, c’est toute la filière qui a pu se professionnaliser, et qui s’est aussi clairement autonomisée. Que les uns, venus de 1 à 23 kilomètres à la ronde, amènent 5 agneaux par an ou d’autres 80, les profils varient, chacun avec ses raisons, toujours bonnes. Alexandre Reynier, actuel Président de la CUMA, apiculteur, producteur de plantes aromatiques, de pois chiche et d’épeautre, élève un petit troupeau de 60 brebis qui lui servent surtout à entretenir ses terres écologiquement. Avec l’abattoir, qui se trouve sur la commune où il vit et travaille, Alexandre Reynier avoue ne pas avoir fait ce choix pour des raisons économiques, car ce mode de fonctionnement, s’il est plus proche de ses valeurs, lui coûte finalement deux fois plus cher que le circuit traditionnel et industriel. Mais il préfère venir ici où le groupe d’éleveurs abat autant de bêtes en une année qu’en une journée ailleurs, car il sait que le travail sera bien fait, et qu’il participe par cet acte militant au développement économique et humain de la vallée de la Haute Ouvèze et plus.

La dynamique de qualité étant à présent clairement engagée à travers le circuit court et la traçabilité, les éleveurs continuent les réflexions pour accentuer une démarche toujours plus locale. Avec le Parc naturel régional des Baronnies provençales et l’association Vautours en Baronnies, le groupe réfléchit à la mise en place d’une plateforme d’équarrissage, une issue écologique pour les déchets générés par l’abattoir et qui bouclerait la boucle d’un cercle vertueux local. Un vent d’optimisme souffle dans la vallée de la Haute Ouvèze, une énergie bel et bien positive qui semble communicative.

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