Jeune commune née en 2016, Val-Buëch-Méouge a su rapidement imposer sa cadence en termes de transition énergétique. Une bonne idée en amenant toujours une autre, l’intention de faire de Ribiers un exemple en matière environnementale a permis également à Châteauneuf-de-Chabre et Antonaves de rejoindre la dynamique, à présent que ces trois villages sont regroupés administrativement en « commune nouvelle »[1] . Sur les trois villages, c’est toujours le bon sens écologique et économique qui l’emporte, bon sens approuvé par les habitants qui participent volontiers à ces évolutions en donnant leur avis lors des réunions publiques.
Pour avoir des idées lumineuses, encore faut-il être bien avisé sur la question de l’éclairage public afin de ne pas brûler la chandelle par les deux bouts. Pour ce faire, Gérard Nicolas, le maire de Val-Buëch-Méouge, a fait appel à Didier Bouilhol, jeune retraité des Syndicats d’Énergie des Hautes-Alpes et des Alpes-de-Haute-Provence. Créateur du Bureau d’Études « Adlucem » spécialisé dans le conseil auprès des collectivités sur la question des installations lumineuses, il est attentif aux questions de santé et de biodiversité que l’éclairage nocturne impacte[2] trop souvent. Faisant également le constat qu’une fois les diagnostics réalisés il était compliqué de les transformer en plan d’action, il a trouvé opportun d’y remédier en partageant ses compétences et ses lumières sur ce terrain obscur. C’est ainsi qu’à Châteauneuf de Chabre, Didier Bouilhol a rédigé le Schéma Directeur d’Aménagement Lumière, (SDAL) sur la base de plusieurs scénarios présentés au Conseil municipal, assisté la commune sur les recherches de subventions, élaboré le dossier de consultation des entreprises et orchestré les travaux. Une aide précieuse qui a permis d’y voir plus clair sur de nombreux aspects et d’aller plus loin sur le chemin de la transition.
La commune, déjà très attentive aux questions d’environnement et de biodiversité[3] , mène depuis 2010 des actions qui, aujourd’hui et grâce au projet d’éclairage, ont pris une nouvelle dimension. Faire le choix d’installer un éclairage raisonné à Leds a nécessité de repenser entièrement les aménagements de Ribiers. De lourds travaux ont été entrepris, mais réalisés avec bon sens économique, écologique et même social. Dorénavant, trois heures après la tombée de la nuit, une fois l’activité humaine moins dense, la luminosité baisse de 30 %. Et une heure avant le lever du soleil, quand l’activité reprend de plus belle, la puissance augmente doucement. Si Ribiers est un village en avance sur ce type de pratiques, les deux autres villages de la commune ne sont pas en reste. À Châteauneuf de Chabre, le « rétrofit »[4] des 59 luminaires a permis de diviser par quatre les consommations d’énergie, d’améliorer la qualité de l’éclairage – Gérard Nicolas se plaît d’ailleurs à ironiser que les lampadaires « n’éclairent plus les étoiles »- et participe ainsi à la maîtrise des dépenses communales. À Antonaves, où l’on a opté pour l’extinction des lampadaires en cœur de nuit, la question se pose des mesures à prendre pour offrir une égalité de traitement pour les habitants des trois villages.
En parallèle, Val-Buëch-Méouge a fait le choix d’intégrer ces transformations dans un projet plus large d’aménagement de village, comprenant la rénovation des réseaux d’assainissement vétustes et la requalification des espaces publics. Une opération certes financièrement lourde au regard du nombre d’habitants,[5] mais, comme se plaît à l’indiquer le maire, « ce n’est pas parce qu’on manque de moyens qu’on ne peut pas faire, mais parce qu’on manque de moyens qu’on doit le faire », dynamique qui repose sur un équilibre ingénieux : le crédit à rembourser coûte moins cher que les dépenses générées. Si l’enveloppe est importante, force est de constater que dans cinq années, le crédit engagé par la mairie sera bel et bien remboursé. Il ajoute volontiers : « Les installations anciennes coûtent plus cher à entretenir que de tout refaire à neuf », lui qui constate avec satisfaction qu’il n’a plus de dépenses à engager pour changer une ampoule défectueuse, ou pour réparer une canalisation capricieuse.
Pour mener à bien ce projet, Val-Buëch-Méouge a obtenu le label « Chantier propre », qui s’inspire des pratiques du BTP : le goudron a été épluché puis trié au centre de traitement des déchets et la terre propre a pu rester disponible pour les cultures; quant à l’eau de nettoyage des camions du chantier, elle a été filtrée pour ne pas polluer les nappes phréatiques. Le village a également signé avec les entreprises choisies pour effectuer les travaux, une clause sociale qui les obligeait à embaucher des personnes sorties de l’emploi, en réinsertion ou issues de l’immigration. Ribiers s’impose tel un exemple de mise en place d’un cercle vertueux où l’écologie, dans son sens le plus large, est pensée pour la nature et pour l’Homme.
Aujourd’hui, le village a changé d’allure, il s’est modernisé. Et chacun peut s’y sentir en sécurité, car les statistiques montrent que les villes et villages les moins éclairés sont également moins confrontés aux problèmes de sécurité, l’obscurité rendant les cambriolages plus difficiles, et incitant les conducteurs à respecter les limitations de vitesse. L’éclairage raisonné, adapté aux horaires de services, reste un compromis que d’autres communes suivront certainement, faisant de Val-Buëch-Méouge une commune où coule une source d’inspiration fertile.
[1] Ce statut est créé par l’article 21 de la loi no 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales
[2] cf article précedent sur la question des villes et villages étoilés
[3] Atlas de la biodiversité et Parc LPO à Ribiers, Parc à papillons à Pomet
[4] le retrofit est une alternative au changement complet d’un luminaire, il consiste à remplacer la partie « lampe » par un module Led en conservant son enveloppe.
[5] 1348 habitants sur les 3 villages réunis en 2018
