Quand la céréale du pauvre affirme des recettes riches en goût

Faisant son retour sur les tables familiales et sur celles des plus grands restaurants, le petit épeautre a toutes les qualités pour séduire les consommateurs. Depuis quelques années la demande explose et dans la vallée de l’Ennuyée les producteurs ont su saisir l’occasion. Dans le grenier des Baronnies au cœur du Parc naturel régional des Baronnies provençal, le petit épeautre est roi. Rencontre avec ceux qui ont su dompter l’épi rustique dans les champs aussi bien que dans l’assiette, tout en permettant à un patrimoine de perdurer.

C’est à la renaissance d’une des plus anciennes céréales au monde, le petit épeautre, que nous sommes en train d’assister. Rustique et résistante, elle permet une agriculture biologique, sans pesticide ni désherbant. La terre des Baronnies provençales, aride autant que généreuse, a su devenir le berceau fertile de la production, jusqu’à obtenir un premier IGP pour le grain en 2010 et un second pour la farine en 2011. Un précieux sésame qui permet de valoriser le travail des hommes et des femmes investis dans la région de la Haute Provence, tout en permettant de rendre visible un savoir-faire local.

Mélina Peyre, productrice à Bésignan a su saisir sa chance, offerte par le développement de la filière.  Reprenant la ferme familiale qui était alors tournée vers les arbres fruitiers, elle a changé son fusil d’épaule, elle qui voyait en la taille d’arbre un geste trop « guerrier ». Prenant d’abord un détour par le maraîchage, elle s’oriente vers le petit épeautre en 2009, produisant aux côtés de cette semence paysanne aux qualités prodigieuses son allié santé une fois réunis dans l’assiette, le bien nommé pois chiche. Si sa production ne dépasse les 4 hectares, elle se concentre sur une pratique vertueuse, respectueuse des saisons. Elle qui, avant de prendre le relais de son père, vivait difficilement la routine agricole voit dorénavant l’intérêt des rituels que son métier impose. Mélina Peyre aime le contact direct avec le consommateur, et vend le petit épeautre à sa boutique, directement à la Ferme de la Condamine ou sur les marchés de Sainte Jalle (vendredi soir), Buis les Baronnies (samedi matin) et Nyons (dimanche matin). Et pour donner des idées savoureuses ses clients fidèles, voire totalement « accros », elle prépare systématiquement sa fameuse salade de petit épeautre. Avec générosité, elle livre ici les secrets de sa recette d’été :

Une portion de petit épeautre jetée dans l’eau froide et cuite à ébullition dans 3 fois son volume d’eau pendant 15 minutes (puis couvrir 5 minutes en dehors du feu pour un côté croquant/fondant). Une fois refroidie, l’agrémenter de tomates fraîches, cébettes (ou d’oignons simianes), poivron vert, feuilles de basilic, graines de fenouil, graines de nigel, graines d’anis, et à la fin ajouter quelques feuilles de coriandre fraîche. De l’huile d’olive de Nyons, un peu de vinaigre balsamique. Salez, poivrez, et le tour est joué !

Et comme la cuisinière est aussi céramiste, elle prend un malin plaisir à présenter ses créations culinaires dans de magnifiques plats en terre : « J’ai envie de m’étonner ou d’étonner les autres ! » dit-elle. Avec la ferme intention de faire découvrir la céréale, base de nombreuses de ses recettes, Mélina délivre un dernier secret : le petit épeautre se cuit parfaitement dans un bouillon, à la façon d’un minestrone ! Voilà une idée réconfortante pour des hivers rigoureux, et qui ne laisse plus aucune excuse pour ne pas avoir de petit épeautre en toute saison dans la réserve.

À deux pas de la Ferme de la Condamine se trouve le Moulin du Mohair. S’il pourrait être question de chèvres, continuons à tirer le fil de la céréale barbue. Sur la commune de Saint-Sauveur-Gouvernet, le petit épeautre tire également son épi du jeu. Vincent Aubert et sa sœur Isabelle cultivent le petit épeautre aussi bien qu’ils savent le cuisiner ! Vincent n’y va pas par quatre chemins : « Je fais revenir quelques oignons dans du vin blanc, avec des carottes, j’y fais revenir le petit épeautre, puis j’ajoute de l’eau. Et quand j’en ai, j’agrémente volontiers d’un morceau de saucisse ou de poitrine. C’est fondant, autant que bon ! »

Si aujourd’hui les consommateurs plébiscitent ce blé ancien, l’imagination ne manque pas aux cuisiniers pour la rendre incontournable. Du côté du syndicat de l’Olive à Nyons, l’expérimentation commence à faire parler d’elle suite à la création d’une barre énergétique à base de petit épeautre, d’abricots des Baronnies, de miel de lavande, et… d’olives noires de Nyons. Il semblerait que le petit-épeautre n’ait pas dit son dernier mot, il pourrait même trouver de sacrés alliés parmi toutes les productions du Parc naturel régional des Baronnies provençales, voire de nouveaux débouchés. C’est certain, les producteurs de Haute Provence ont des pépites d’or entre les mains !

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