On peut le dire : il n’y a rien de plus vivant que le bois mort ! Les milieux forestiers, quand ils sont âgés, sont un habitat assuré pour des espèces rares, souvent peu visibles, mais qui fourmillent sous les écorces en décomposition. Dans le Parc naturel régional des Baronnies provençales, nous avons la chance de disposer de quelques vieux boisements et de forêts matures, mais il est nécessaire de mieux les connaître afin de les préserver de toute forme de gestion forestière inappropriée.
Dans les Baronnies provençales, deux types de forêts sont concernées par le projet « Sylve Baronnies » commencé il y a deux ans sur la partie haut-alpine du Parc : les peuplements de chênes émondés et les forêts matures de hêtres. Les chênaies émondées se trouvaient autrefois dans des espaces pastoraux. Les arbres ont subi des coupes de leurs branches permettant à leurs propriétaires de profiter de bois de chauffage et de feuilles pour le bétail lorsque le fourrage venait à manquer. Les cavités ou les blessures ainsi créées sur ces « chênes têtards » ont permis la formation de cavités, un habitat pour certains insectes (dont le Pique-prune, espèce protégée au niveau national), de petits mammifères ou de certains oiseaux. Quant aux forêts dites matures, on y trouve de très gros arbres, beaucoup de bois mort et des micro-habitats comme les cavités de troncs, les lichens, les écorces décollées, les branches mortes ou des nids. Une partie de la forêt communale de Valdoule – Bruis peut être considérée comme telle. L’enjeu sur ces quelques hectares est de conserver les très gros arbres et le bois mort pour préserver la biodiversité rare liée à ce type de peuplement forestier. Les solutions pour cela sont la libre évolution des zones les plus remarquables ou encore l’adaptation de la sylviculture pour conserver davantage de très gros arbres et de bois morts lors des coupes et travaux. Le Parc a informé les communes propriétaires de forêts matures de leurs enjeux de conservation. Il appartient néanmoins aux élus communaux de décider de la gestion qui est mise en œuvre dans leurs forêts, de concert avec l’ONF qui en est gestionnaire.
Le projet « Sylve Baronnies » vise, lui, plus particulièrement les propriétaires privés. Financé par la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur et mené en partenariat avec le Centre national de la propriété forestière (CNPF) et le Conservatoire d’espaces naturels de Provence-Alpes-Côte d’Azur (CEN PACA), « Sylve » vise à renforcer la connaissance de ces boisements et à mettre en œuvre des actions de préservation en portant à la connaissance de leurs propriétaires leurs enjeux écologiques. L’objectif principal du projet est de trouver des propriétaires privés volontaires qui accepteront de mettre en libre évolution leurs boisements à forts enjeux conservatoires. Comment cela fonctionnera-t-il ? En laissant leur forêt se développer sans intervention sylvicole (pas de coupes de bois), et en garantissant la pérennité de la libre évolution grâce à des outils fonciers. En fonction des contextes et de la volonté de chaque propriétaire, les outils fonciers mobilisés peuvent varier : acquisition par le CEN, contractualisation d’obligations réelles, environnementales, donations, legs. À travers tous ces outils, il s’agit de faire prendre conscience à tous les interlocuteurs, et en particulier aux propriétaires privés, que les forêts ont une valeur patrimoniale. Cela permet aussi de mieux connaître les moyens d’agir, et ici en l’occurrence, d’encourager le fait de ne rien faire… ou presque ! Pour y parvenir, le Parc et ses partenaires mettent en place des temps d’échanges avec les propriétaires afin de leur expliquer sur le terrain les enjeux de biodiversité et les pratiques à adopter pour la préservation de nos vieilles forêts.
Un des outils fonciers à disposition des propriétaires est l’obligation réelle environnementale (ORE), contrat signé entre les propriétaires forestiers et, ici, le CEN PACA. Des interventions pourront être envisagées, au cas par cas, notamment pour limiter la colonisation de vieilles chênaies par des pins qui pourraient faire de l’ombre aux chênes à cavités abritant des espèces rares.
Localement, les vieilles forêts présentant un fort enjeu écologique concernent moins de 1 % du territoire (80 ha seulement dans les Hautes-Alpes). Le projet vise donc à préserver ce maigre patrimoine, mais aussi à favoriser le vieillissement d’arbres plus jeunes en travaillant à constituer une trame d’avenir. En France, moins de 20 % des forêts n’ont pas été exploitées au cours des 50 dernières années. Afin de cartographier les forêts potentiellement les plus âgées, le CEN travaille à les repérer sur les cartes d’état-major et opère à un travail de comparaison de photographies aériennes anciennes et récentes. Il réalise ensuite des vérifications et inventaires sur les sites cartographiés pour confirmer leur intérêt écologique dans le but de constituer une « trame de vieux bois ».
Pour prendre part à ce travail collectif, ou pour rejoindre ce réseau de propriétaires engagés, un temps d’échange et de rencontre sur site est prévu le 5 avril 2024, il permettra notamment de comprendre les enjeux du projet « Sylve », tout en invitant à réfléchir à la trame d’avenir.