Les départements de la Drôme et des Hautes-Alpes font partie des 32 départements les plus exposés aux feux de forêts. Depuis les années 80, le territoire méditerranéen est le théâtre d’incendies dévastateurs, dont chaque années les conséquences s’avèrent considérables. Ce sont les biens qui sont concernés, autant que les personnes ou les écosystèmes. Le constat reste trop souvent le même : l’intensité de la destruction par le feu est corrélée à l’absence de débroussaillement ou à une réalisation insuffisante des travaux obligatoires. Chacun ayant un rôle à jouer pour rendre plus difficile la propagation des flammes dévastatrices, voici quelques éléments qui permettront de limiter les prochaines catastrophes.
Car « Nul n’est censé ignorer la loi », les propriétaires de maisons jouxtant des forêts doivent faire de cette phrase, non plus un adage prononcé sans effet, mais une raison inconditionnelle d’agir. En effet, le statut de propriétaire implique que chacun débroussaille nécessairement dans un rayon de 50 mètres autour des bâtis qu’il possède, que ce périmètre fasse partie de sa propriété, où qu’il se situe chez son voisin. Le débroussaillement a pour but premier de protéger les personnes qui vivent sur ce périmètre. Les intérêts du débroussaillement sont aussi d’ordre naturel, puisqu’en procédant à une coupe des strates herbacées (coupe complète), arbustives (coupe de la totalité des arbustes) et arborées (coupe d’un arbre sur deux pour mettre à distance les houppiers les uns des autres), c’est la forêt même que l’on protège. Enfin, en assumant pleinement ses devoirs de citoyen, c’est le travail des pompiers et leur sécurité que l’on permet : de fait, ils peuvent agir plus facilement, et se concentrer là où le feu se propagerait plus vite quand le travail a été mené à bien, en amont. À la façon des colibris, chacun contribue ainsi à sa mesure.
Ce qu’on vise par la pratique du débroussaillement, c’est de créer une discontinuité dans la végétation. En isolant le sol de la partie sommitale des arbres, les flammes se propagent moins vite et moins bien. Pour autant, si la pratique vise à supprimer la végétation en contact direct avec le bâti, elle n’induit pas une coupe rase. De manière à limiter l’impact du débroussaillement sur les écosystèmes, la pratique doit se faire au regard des saisons. La nature pourra même y trouver un intérêt : l’apport de lumière au sol favorisera en effet la création de corridors biologiques, qui pourront se transformer en des zones d’alimentation pour certaines espèces comme les chauves-souris ou les rapaces.
Quand bien même les propriétaires ne joueraient pas le jeu de cette obligation réglementaire du débroussaillement, les maires restent responsables du contrôle des opérations sur leur commune. Dans le cas de coupes non respectées ou non effectuées, les maires peuvent solliciter eux-mêmes une entreprise de paysagisme, et transmettre la facture des travaux réalisés aux propriétaires laxistes… Et les propriétaires sont susceptibles, en plus des frais à régler, d’écoper d’une amende. Mais avant d’en arriver à ces situations inconfortables, un travail pédagogique est mené par les communes, de concert avec les pouvoirs publics (la Direction Départementale des Territoires de la Drôme), les pompiers, l’ONF, les départements, et les Parcs. Lors de réunions publiques, un travail de prévention est mené auprès des habitants qui sont informés de leurs devoirs de lutte contre le feu, par anticipation. C’est un travail de solidarité qui est mis en place toute l’année. L’enjeu reste aujourd’hui, et avec le changement climatique que la réglementation soit comprise et appliquée par tous. La solidarité prend le pas sur une vision de la propriété qui serait trop isolée : débroussailler sa maison, c’est protéger ses voisins, et réciproquement. Une véritable prise de conscience est en train de s’opérer, à tous les niveaux.
Stéphane Olagnon, agent du Pôle forêt de la DDT est le seul agent missionné sur la question des feux de forêt en Drôme. Les liens qu’il peut créer au fil de sa mission avec les autres instances sont essentiels pour que sa parole essaime. La mutualisation qui s’effectue sur le travail de prévention est pour lui indispensable. À St Ferreol-Trente-Pas, en mars 2024, il nous guide vers un terrain qui vient d’être débroussaillé. Pierre, le propriétaire, connaît bien la réglementation. Le débroussaillage qui s’est opéré quelques jours plus tôt marque une délimitation visible de la végétation. La coupe qui s’est opérée au pied de sa maison, utile, notamment sur les buis, avait laissé un terrain beaucoup plus clairsemé que ce qu’il avait imaginé. Qu’à cela ne tienne, Pierre a profité d’un sol nouveau, régénéré, et d’un apport de lumière au sol pour tenter cette expérimentation qui ne gênera en rien la prochaine coupe.
Stéphane Olagnon le sait, d’ici les prochaines dates de débroussaillement, la loi évoluera encore. Et il est probable que le bois mort trouve une place centrale au sein de l’écosystème en forêt, même à fleur d’habitat. Une harmonisation des lois se fera peu à peu, car aujourd’hui encore, ce qui vaut pour un territoire ne vaut pas toujours ailleurs. Il faut donc rester constamment informé et à l’écoute des prérogatives préfectorales pour être constamment à jour des règles à suivre sur son lieu de vie.
Enfin, sachez qu’il existe des méthodes douces et écologiques de débroussaillement. Les chèvres Rove se nourrissent des arbustes, même les plus coriaces. Une fois les ronces et arbustes digérés, il ne restera plus que les branches des houppiers pour lesquelles il faudra trouver une solution d’élagage plus radicale. Alors, si vous aimez la présence des animaux autour de la maison, c’est l’occasion de se préparer pour l’année prochaine ! Mais attention, il faudra débroussailler avant le mois de mars, car au-delà, le débroussaillement devient limité ou interdit. Mieux vaut agir sur ce terrain à l’automne ou en hiver.