De garrigue, de tilleul et de lavande

Mai 2022. Trois apiculteurs, Anne-Elisabeth Klein, Bruno Villar et Marlène Gomila, se sont réunis autour dans les locaux du Parc naturel régional des Baronnies provençales à Sahune pour envisager une démarche commune autour de la marque Valeurs Parc, et ainsi faire du miel local un produit mieux repéré. L’enjeu est important pour continuer à faire des Baronnies provençales un terroir reconnu pour ses multiples saveurs, mais également pour affirmer un territoire soucieux de son environnement. D’autres référentiels (agneau, PPAM) sont déjà sur ce chemin, et le parc travaille à élargir les filières du territoire au regard du modèle agricole local.

L’initiative proposée par ces apiculteurs s’inscrit dans une logique interparc, notamment avec les parcs situé en Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Neuf parcs du réseau travaillent à un référentiel identique, et les apiculteurs pouvant prétendre à la marque devront répondre aux critères suivants :

  • les abeilles sont de l’espèce Apis Mellifera
  • le miel est issu de la flore naturelle locale, et l’entretien des ruches doit être également naturel (désherbage, nettoyage, enfumage, peintures biologiques ou cire naturelle, pas ou peu de plastique dans la ruche, récolte et extraction avec des produits non toxiques)
  • les ruches doivent se situer sur le territoire défini par le parc et la transhumance est encadrée,
  • la pratique du rognage des ailes des reines est interdite et les abeilles ne sont pas nourries pendant les miellées et la récolte
  • le chauffage du miel est autorisé jusqu’à 45°C. Toutefois, l’ultrafiltration et la pasteurisation sont interdits.
  • Enfin l’activité s’inscrit dans une démarche économique.

Si la majorité des critères découlent du bon sens pour les apiculteurs qui sont déjà très attentifs aux questions environnementales ou au bien-être de leurs butineuses, le dernier critère reste celui qui, sur notre territoire, pourrait être le plus pénalisant. Il est en effet indispensable de s’inscrire une démarche dite économique c’est à dire de disposer de 10 ruches au moins, en complément d’une autre activité agricole. Auparavant, ce critère était plus strict et imposait à l’apiculteur de disposer de 50 ruches minimum. Mais sur notre territoire, la polyculture est une pratique courante. Être apiculteur dans les Baronnies provençales est bien souvent le résultat d’une pratique passion, ou le résultat d’un complément d’une activité agricole plus importante pour les arboriculteurs par exemple, pour qui les abeilles viennent polliniser les abricotiers, pêchers, cerisiers…

Anne-Elisabeth Klein est l’une des apicultrices venue réfléchir au projet de marque Valeurs Parc. Installée depuis 2019 à Venterol, ce qu’elle aime ce sont avant tout les abeilles. Si elle pose une attention particulière aux bien-être des habitantes de ses vingt ruches, elle aime aussi sensibiliser les enfants à l’apiculture, et surtout à l’intérêt des pollinisateurs. En baronaute qui se respecte, elle butine, d’école en verger, au rythme des saisons, avec la ferme intention de participer à un projet qui rende plus visible les pratiques des apiculteurs, mais aussi peut-être pour essaimer des vocations, elle qui a découvert la sienne tardivement. Apicultrice par passion, mais aussi par bon sens, elle sait qu’elle ne pourra pas, physiquement, endosser les 200 ruches nécessaires pour rendre sa pratique économiquement viable. Elle a bien tenté de transhumer ses abeilles lors d’une opportunité qui lui fut offerte en Camargue il y a deux ans, mais aujourd’hui, elle ne le souhaite plus, transporter les abeilles en camion, ce n’est pas son truc. “Ce ne sont pas mes ruches que je transhume, c’est moi qui transhume !” déclare-t-elle avec humour. Anne-Elisabeth ne dispose pas de terrain, ses ruches se trouvent souvent sur des vergers mis à disposition par des amis ou des connaissances à Venterol et à Nyons, des producteurs qui ont besoin des pollinisateurs mais n’ont pas le temps ni la connaissance pour s’en occuper. Cette pratique hyper localisée convient parfaitement à Anne-Elisabeth qui voit un intérêt écologique à ne pas faire des milliers de kilomètres, alors qu’ici tout est possible.

Malgré une production sans prétention, Anne-Elisabeth espère bien que sa voix d’artisane du miel sera entendue, car dans les Baronnies provençales, les pratiques modestes et disséminées ici et là, si elles ne sont pas révélatrice d’une économie, sont pourtant monnaie courante. Anne-Elisabeth avoue secrètement qu’elle aimerait également former les particuliers qui souhaiteraient installer une ruche dans leur jardin !

Le miel des Baronnies provençales existe, et pour ceux qui ont la chance de le déguster, il s’avère même merveilleusement ensoleillé : miel de garrigue, de tilleul ou de lavande… c’est une flore très typique qu’il permet de révéler. Si sa réputation n’est pas à faire pour les gourmets locaux, il n’en reste pas moins qu’à présent elle doit rayonner. Aussi va-t-il falloir que les apiculteurs se fédèrent, car si les abeilles savent vivre en colonie, il est plus difficile pour les éleveurs de trouver des points de convergence communs tant les pratiques sont isolées et varient d’un apiculteur à l’autre. La mutualisation fonctionne parfois, notamment sur les achats groupés, et l’envie commence à germer de récupérer les pots usagés pour les laver en lot plutôt que des les recycler, par exemple. Un premier pas vers une intention commune qui pourrait permettre aux apiculteurs de faire un bout de chemin ensemble, et d’amorcer des échanges plus réguliers.

Alors que partout sur les routes des Baronnies provençales, les tilleuls laissent déjà émaner leurs fragrances doucement emmiellées, Anne-Elisabeth visite ses abeilles, et écoute régulièrement les reines lui parler : “dès que je m’approche de la ruche j’entends un chant, on dirait celui d’une baleine”. Alors elle répond en chantant à son tour, les remercie avec humilité de la récolte qui s’annonce. Puis vient une nouvelle vague de bourdonnements venue de celles qui sont au travail depuis bien longtemps, alors qu’elles fendent l’air trop chaud de leur grâcieuse chorégraphie, les pattes pleines de pollen, généreuses.

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