Sous ses allures félines, on la confond souvent avec le chat. Avant de revenir à l’état sauvage il y a plusieurs siècles, elle a longtemps vécu une vie de château, où elle se délectait de mets de choix, de rongeurs en pagaille. Adaptée à la vie nocturne et aux milieux boisés, elle n’est ni renard ni léopard. Ne révélant les atours de sa fourrure tachetée de gris et de noir, ses yeux cernés de blanc, et sa longue queue en anneaux de fourrure noirs et blancs qu’aux chanceux noctambules plus subtils qu’elle, elle évolue vibrisses en éveil, et oreilles tendues, tous sens en éveil. Avec pour seuls prédateurs le renard, le hibou Grand-Duc, le lynx et le loup, elle avance furtivement chaque nuit sous la voûte céleste des Baronnies provençales sans crainte ou presque de croiser quelque ennemi, sauf peut-être les automobilistes toujours trop pressés. Bien malin qui saura dire où la croiser, grâce à sa discrétion légendaire, elle reste méconnue de beaucoup. Vous avez deviné ?
À moins d’être accompagné par un naturaliste particulièrement chanceux, et expert des viverridés (dont il s’agit de la seule espèce de cette famille présente actuellement en Europe), la probabilité est mince de croiser cet animal furtif et svelte. Se lancer le défi de son observation pourrait vite s’apparenter à un véritable jeu de piste nocturne perdu d’avance. Évoluant parfois loin des habitations, pouvant se cacher à la cime des arbres ou se lover dans les creux des troncs, la Genette commune (Genetta genetta) solitaire passe une grande partie de son temps dans les frondaisons des arbres, mais se déplace aussi souvent au sol, dans les zones où elle se sent protégée par la végétation.
Un peu d’histoire et de géographie avant d’en venir aux Baronnies provençales
Sortie tout droit des contrées exotiques, la Genette a profité des invasions sarrasines pour quitter l’Afrique du Nord et s’installer sous nos latitudes dès le VIIIe siècle. Alors domestiqué par l’homme, le petit animal s’est révélé un allié précieux et un prédateur hors pair pour se débarrasser des rongeurs souvent annonciateurs de la peste, présents à cette époque dans les villages, les champs et les châteaux. Ses crottes particulièrement malodorantes ont joué en sa défaveur. Ceci a permis au chat, alors ramené dans les bagages des croisés, de la détrôner en son royaume, lui permettant néanmoins de retrouver une vie plus sauvage en pleine nature.
Dans les Baronnies provençales, la Genette se rencontre prioritairement dans les milieux forestiers et leurs abords. Il arrive parfois qu’elle vienne chasser les rongeurs sur les toits des villages. On connaît son aire de distribution grâce à ses crottiers remarquables que l’on trouve à la lisière des forêts, sur le toit des cabanes, au sommet d’un tas de bois, sur un pont ou encore un rocher (les crottes pouvant mesurer jusqu’à 20 cm de long et se terminent par un petit ballot d’herbes repliées. Ces crottiers sont volumineux, car plusieurs genettes peuvent venir faire leurs déjections sur le même lieu). L’important pour l’animal reste de ne pas se mettre en danger, et pourquoi pas de bénéficier d’une belle vue dans ces moments d’intimité qui n’en sont pas moins des lieux d’échanges d’informations entre individus. C’est ainsi en analysant ces excréments (plus connus sous le nom de « fèces ») que les naturalistes ont pu en déduire que son régime alimentaire est très éclectique.
Omnivore à dominante carnivore, ce petit mammifère de deux kilos à peine se délecte volontiers d’insectes et d’invertébrés, de lézards, de poissons, ou d’œufs, d’oiseaux et de de petits mammifères dont le Mulot sylvestre et le Rat noir (rat des champs), qui représentent un met de choix. À l’inverse du chat qui a la fâcheuse habitude de jouer avec ses proies, la chasseresse agile les assaille au contraire d’une morsure franche dans la nuque, leur assénant un coup fatal. Dans certaines régions, on a constaté que les genettes sont aussi capables d’attraper des chauves-souris, en se mettant à l’affût à l’entrée de leurs cachettes, lorsque ces dernières sortent en groupe.
Protégé depuis 1981 en France et depuis 1992 en Europe, l’insaisissable animal à la livrée de félin se déplace silencieusement près de nous sans jamais trop en dire, histoire de garder le mystère toujours plus grand.