Rivières, sécheresse, et écogestes…ça coule de source !

De mémoire de Parc[1], jamais sécheresse ne fut si virulente qu’en cette année 2022. Ce mois de juillet fut le plus sec enregistré par Météo-France sur la période 1959-2022, une année exceptionnelle  qui s’explique par l’accumulation de trois années particulièrement sèches que celle-ci vient couronner, ne laissant pas les nappes de soutien et les nappes profondes se recharger suffisamment en eau. Si seulement “se la couler douce” pouvait s’appliquer aux rivières autant qu’aux hommes, nos esprits pourraient enfin s’apaiser en vacances. Cependant, il n’en est pas ainsi, et nous avons encore quelques jours d’ensoleillement devant nous qui doivent nous inciter à envisager une autre destinée quant à nos usages de l’eau.

De la Drôme aux Hautes-Alpes, le constat est le même : les rivières sont à sec. Une aridité telle que les voyants sont au rouge sur toute les cartes depuis le 18 juillet. Pour limiter toute détérioration supplémentaire des rivières et de leurs berges, les écoguides du Parc naturel régional des Baronnies provençales se relayent sur les différents cours d’eau depuis le début de l’été. Et force est de constater que la pédagogie et la médiation restent des méthodes qui permettent de marquer les esprits, sans traumatiser ni culpabiliser les usagers, qui n’ont souvent pas connaissance de l’impact de leurs gestes, mais restent curieux d’apprendre les bonnes pratiques.

Tobias et Guy sont écoguides. Saisonniers, ils interviennent dans une équipe de sept médiateurs sur les sites fragiles du Parc naturel régional : les gorges de Saint-May, du haut Toulourenc et de la Méouge. Le programme de cette journée de fin août amène le binôme à se rendre à la rencontre des estivants qui profitent des derniers rayons du soleil à Aulan. Si un unique vacancier tente encore quelques ploufs audacieux de fin d’été, l’eau verte à tendance trouble en a dissuadé d’autres à  se diriger sur des sites plus accueillants (aménagés pour la baignade). Avec les récents orages, on est loin des eaux turquoise des cartes postales, mais la météo n’est pas la seule explication. En toute bienveillance et avec leur bagage universitaire en écologie, les deux jeunes expliquent volontiers les raisons de cette couleur : les algues, dans un débit devenu moins fort, se multiplient, profitant des produits polluants réunis en grande quantité dans un petit volume d’eau pour proliférer. Les crèmes solaires, les produits fertilisants utilisés alentours pour les cultures ou encore les eaux rejetées par les stations d’épuration sont en cette fin de saison, moins diluées, et donc plus dangereuses pour la santé humaine notamment. C’est ainsi qu’il arrive que le taux de streptocoques fécaux soit parfois plus élevé que la moyenne tolérée, rendant la qualité de l’eau moins bonne. Avant de rejoindre un cours d’eau, vérifier sa qualité (information disponible sur les sites dédiés) pourra permettre d’échapper à quelques bactéries.

Depuis qu’ils ont commencé leur mission en juin, les deux écoguides font le même constat : “ Il y a la pollution de l’eau, mais les berges sont elles aussi le réceptacle de nombreux déchets, des couches aux canettes, nous ramassons de tout, et tout ce qu’on ne voit pas partira dans l’eau aux prochaines pluies… Nous intervenons auprès des vacanciers en leur proposant, par exemple, de toujours partir avec un sac poubelle. Et souvent ce sont eux qui nous disent comment faire preuve de bon sens, mais… régulièrement ils ont oublié le sac…”. Tobias insiste en déclarant : “Il y a une psychologie du déchet : on remet volontiers sa bouteille d’eau vide dans le sac à dos, mais pour le reste, il faut encore apprendre.

Qui dit eau moins propice à la baignade, dit aussi milieu moins à même d’accueillir la vie aquatique… Les deux écoguides s’éfforcent donc de rappeler que la faune et la flore pâtissent aussi de ce climat rigoureux, et qu’il est fortement déconseillé de pratiquer la randonnée aquatique ou de construire des barrages galets. Si les bassins de retenue d’eau sont agréables pour les estivants voyant là un moyen de se rafraîchir tout en amusant les enfants[2], la faune, elle, n’y trouve pas l’oxygène nécessaire pour survivre. Garder un débit, même minime, permettra aux espèces de rejoindre des bassins d’eau mieux oxygénés[3], qui leur permettent de patienter jusqu’à la prochaine pluie ou jusqu’à un retour à la “normale”. Toutefois, si on pressent que la faune ne pourra survivre à la sécheresse, la Fédération de pêche pourra procéder exceptionnellement et en mesurant l’impact d’une telle pratique sur les espèces concernées, à une pêche électrique de sauvetage. Cette technique qui s’avère sans douleur pour l’animal, permet de capturer les poissons pour déplacer l’espèce dans un milieu plus propice à sa survie. C’est une technique qui a été adoptée sur le Bentrix (affluent de l’Eygues) cette année par exemple.

Les pratiques pour préserver les rivières des catastrophes peuvent aussi passer par des arrêtés préfectoraux qui en interdisent l’accès temporairement. Ce fut le cas cette année à Mollans-sur-Ouvèze où l’accès au Toulourenc ne fut plus toléré que le matin pendant quelques jours. Cette fois, ce n’est pas le manque d’eau dans la rivière à proprement parler qui a incité cette décision, mais bien l’assèchement des forêts au-dessus des gorges qui rendait la randonnée aquatique en rivière trop menaçante en cas de départ de feu. Ce milieu très inflammable aurait pu prendre au piège des flammes et des fumées toxiques les randonneurs s’aventurant dans cette rivière encaissée.

Tobias et Guy le constatent, les vacanciers comprennent vite les risques encourus, même lorsqu’ils les découvrent tardivement, mais encore faut-il lire les annonces et chercher les informations. Néanmoins, ils constatent que mois de feux de camp sont allumés en août qu’au mois de juin, même si on constate quelques braises éteintes cernées de galets ici et là à proximité de l’eau qu’ils camouflent pour ne pas inciter à le rallumer.

Après le 15 août, si l’été devient plus tolérable avec des températures qui baissent quelque peu et des touristes moins nombreux sur les sites, d’autres dangers se profilent : les sols très secs et compacts n’absorbent plus si facilement l’eau et les pluies diluviennes pourraient renforcer les effets de crue.

Alors ne nous fions pas à l’eau qui dort et restons prudents en toute situation en restant informés par toutes les sources d’information possibles[4] mises à disposition de tous.

 

 

[1] Entendons “De mémoire de Parc naturel régional des Baronnies Provençales”

[2] L’atelier de déconstruction de barrages peut être tout aussi amusant !

[3] Les bassins encore visibles le sont grâce à la proximité de nappes souterraines d’accompagnement qui permettent de maintenir la température de l’eau fraîche et de conserver suffisamment d’oxygène.

[4] Offices de tourismes, préfectures, sites gouvernementaux,

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