Le Parc, territoire à la fois agricole et touristique, voit les pratiques cohabiter autour de ce bien commun. Les rivières, très prisées des touristes en été, sont également cruciales quand il s’agit d’irriguer les cultures. Comment penser des usages partagés et bénéfiques pour tous, alors que la tension sur la ressource en eau se fait de plus en plus palpable à toutes les échelles et sur toute la planète ? C’est avec cette problématique en tête que le Syndicat Mixte du Parc a souhaité accueillir en son sein un projet de recherche scientifique autour de cette thématique devenue incontournable.
Une des missions d’un Parc consiste à avoir une approche scientifique des informations qu’il diffuse ou des démarches qu’il entreprend. Le Parc des Baronnies provençales entretient ainsi des rapports étroits avec le monde de la recherche en sollicitant les chercheurs sur des problématiques que peut soulever le territoire. C’est notamment via l’animation d’un Conseil Scientifique Ethique et Prospectif constitué de chercheurs chevronnés que des liens se tissent entre le monde scientifique et opérationnel. Mais c’est également par le recrutement de jeunes chercheurs en doctorat au sein de son équipe technique que le Parc peut créer de nouveaux ponts. C’est ainsi que la chercheuse Marguerite Ollivon est accueillie au sein du Parc dans le but de questionner les ressources en eau et leurs usages. Sur le terrain, et selon une démarche définitivement ethnographique, elle analyse les manières dont les pratiques agricoles et les pratiques de loisir autour des rivières dialoguent. S’agissant d’un bien partagé par de multiples usagers, c’est de manière participative, en contact étroit avec les habitants, les usagers réguliers ou les touristes, qu’elle mène ses recherches qui s’inscrivent dans les problématiques de son laboratoire de recherche Environnements Dynamiques et Territoires de Montagne (Edytem) de l’Université Savoie-Mont-Blanc de Chambéry. Intimement concernée par la thématique, Marguerite Ollivon déclare : « Avant de m’installer dans le monde agricole entre le Diois et le Parc des Baronnies provençales, je souhaite cerner précisément les enjeux de l’eau sur ce territoire. Au-delà de l’aspect quantitatif, j’ai envie de comprendre comment les personnes qui font usage de la rivière s’ancrent dans ce territoire. ». Le ton est donné pour la chercheuse qui exprime ce besoin sensé de connaître en profondeur les problématiques auxquelles elle sera directement confrontée dans les années à venir. Mais avant la pratique, place à la théorie. Et parce qu’elle dispose d’un bagage scientifique non négligeable, cette future usagère devra échanger avec ses pairs. Autant de connaissances partagées qui permettront à chacun de travailler dans de bonnes conditions, ou de faire usage des biens en connaissance des enjeux et impacts. Les résultats de sa thèse qu’elle soutiendra en 2025 permettront entre autres de déterminer la valeur ajoutée d’un Parc dans le système des acteurs locaux. En explorant le champ social par le biais de la géographie humaine et de l’ethnographie, les travaux de Marguerite ont pour objectif de fournir une connaissance fine des usages dans les lieux qu’elle aura choisi d’explorer. Cette action en connaissance sera bientôt complétée par l’arrivée d’un chargé de projet « eau » qui mènera, dès la fin d’année 2024, des actions de concertation pour discuter avec les habitants de l’avenir des Baronnies provençales dans un contexte de raréfaction de la ressource en eau.
Avant de se lancer sur le terrain, Marguerite a dû définir la géographie de son enquête. Plusieurs territoires ont été choisis en fonction des enjeux agricoles et de loisirs qui se présentaient :
- Des secteurs ordinaires de la rivière Eygues : la rivière en tresses constitue le paysage ordinaire des habitants du massif des Baronnies. De l’amont à l’aval, le bassin versant a été classé en secteur en déséquilibre quantitatif et il est nécessaire de réduire les prélèvements d’eau pour respecter les débits nécessaires à la vie de la rivière. Cette pénurie récurrente se heurte aux besoins croissants d’irrigation exprimés par les agriculteurs. Les communes de Sahune et de Vinsobres accueillent toutes les deux un grand nombre de vacanciers durant la saison estivale, ce sont également deux communes aux productions agricoles bien identifiées : abricots, vignes et olives sont les cultures majoritaires. Il est important de qualifier la place de l’eau des rivières dans l’attractivité du tourisme et de voir comment les besoins des irrigants, des professionnels du tourisme et de la rivière s’entrelacent.
- Des plans d’eau directement connectés à l’eau d’irrigation : le plan d’eau communal de Rosans dont l’approvisionnement en eau est principalement issu des canaux gravitaires et le plan d’eau du Riou créé par un barrage sur le cours d’eau, dont les eaux sont ensuite acheminées vers divers réseaux d’irrigation de la vallée du Buëch. En ces lieux, Marguerite étudie l’interconnexion directe et régulée entre ces deux usages que sont l’irrigation et le loisir autour de l’eau.
- Des secteurs de gorges fréquentées que sont la Méouge et le Toulourenc. Ici, les Parcs des Baronnies provençales et du Mont-Ventoux invitent depuis trois ans des écoguides à venir sensibiliser les estivants et usagers sur les pratiques à adopter en rivière. Ces rivières sont également des secteurs où la politique actuelle visant à réaliser des économies d’eau bouleverse les pratiques agricoles. Dans la Méouge comme dans le Toulourenc, des collectifs d’irrigants utilisent des techniques d’irrigation traditionnelles : des canaux en terre acheminent une grande quantité d’eau de la rivière jusqu’aux parcelles qui sont alors inondées, amenant l’eau à s’infiltrer dans les sols. La modernisation de ces systèmes vise à fermer les canaux et installer des systèmes rationalisés qui donneront uniquement l’eau nécessaire aux cultures. Ces transformations sont majeures : elles modifient les pratiques, elles modifient la relation à l’eau et son prix. L’un des deux collectifs étudiés sur ces territoires se trouve dans cette dynamique de modernisation que Marguerite souhaite documenter.
Gérer la ressource en eau implique donc avant tout de la connaître et de l’évaluer. L’eau subit l’influence de facteurs externes d’ordres économiques, sociaux, culturels et politiques. Pour assurer sa préservation et répondre aux besoins, souvent divergents, c’est en écoutant l’ensemble des systèmes existants que son équilibre et sa durabilité seront assurés.