Le Buëch, une rivière pour prendre racine

Depuis toujours, les rivières ont permis aux activités humaines de s’organiser autour de sa ressource première, l’eau. Les habitants du Parc naturel régional des Baronnies provençales peuvent jouir volontiers des deux rares rivières en tresse d’Europe, le Buëch et l’Eygues. Les syndicats qui gèrent cette ressource ont un rôle essentiel, tant en ce qui concerne la sensibilisation des habitants qui vivent à proximité, que par la gestion intégrée de ces sites dont la biodiversité est à préserver.

Des milieux naturels à préserver

Qu’il s’agisse des rivières ou des milieux qui la jouxtent comme les ripisylves, ou les adoux, une flore et une faune fragile, parfois endémiques, restent à préserver des interventions humaines. Castors, truites, écrevisses à pattes blanches, chiroptères, aprons du Rhône[1], le Buëch est un véritable corridor écologique. Pas étonnant que le site soit classé Natura 2000 !  Rémy Moine, fraîchement arrivé au SMIGIBA, est un acteur essentiel de la rivière et veille quotidiennement à ce que chaque usager puisse jouir de ses ressources tout en maintenant ce réservoir biologique en bonne santé. De relevés en données scientifiques, son rôle consiste à animer la relation entre tous les différents acteurs en leur proposant des outils : riverains, agriculteurs, pêcheurs, promeneurs, chacun peut, à son échelle, être concerné. Ainsi visera-t-il à porter à la connaissance des porteurs de projets les enjeux naturalistes et partagera-t-il des recommandations pour réduire leurs incidences sur le milieu. Avec Natura 2000, Rémy représente sur ce site, le plus grand réseau européen de préservation de la biodiversité, et le projet prend aussi en compte l’aspect économique, un axe important sur le Buëch et dans la vallée.

Les ripisylves

Parmi les différents axes de travail, le SMIGIBA porte une attention toute particulière depuis quelques années aux ripisylves. Ces milieux boisés à fleur d’eau, endossent plusieurs rôles cruciaux, et furent au début du 20ème siècle le lieu d’une activité économique importante, notamment pour la production du bois de chauffage ou pour l’agriculture. Les riverains entretenaient alors la forêt alluviale pour en tirer un bénéfice direct.  Aujourd’hui, cet espace étant devenu communautaire, le syndicat doit mettre tout le monde en lien pour jouer ce rôle essentiel.  La ripisylve est une forêt alluviale qui s’avère un fabuleux allié pour ce qui est de freiner les écoulements en période de crue notamment. Les saules aux branches rougeâtres y vivent les pieds dans l’eau toute l’année ou presque. Ils permettent, avec bien d’autres essences d’arbres, le maintien des berges par leur système racinaire et jouent un rôle barrière important lorsqu’il s’agit de retenir les intrants agricoles des cultures voisines, tout en facilitant l’autoépuration de la rivière.

Une faune et une flore à nulles autre pareil

Le long de ses 110 km classés Natura 2000, sur les 120km qu’elle parcoure du Devoluy à Sisteron, des résurgences, appelés « adoux[2] » sont un atout de plus dans ce paysage déjà si singulier. Sorties tout droit des nappes phréatiques, ces eaux souterraines qui traversent la ripisylve et se jettent dans la rivière, proposent l’avantage d’une eau tempérée. Adoux et ripisylves connaissent un franc succès auprès des castors qui y ont trouvé un terrain à barrages[3] où ils peuvent se protéger des prédateurs, prendre des bains paisibles toute l’année, ou affuter leurs incisives la nuit venue. Pour découvrir ces résurgences et y admirer ces ouvrages hydrauliques naturels, mieux vaut ne pas craindre les ronces ou la boue ! Les barrages de castors ne se laissent découvrir qu’une fois la jungle franchie !

Ce milieu est également un site prisé des chauves-souris. Sur les secteurs de rivières, les insectes vont résister aux pesticides, en se faisant un met de choix pour les chiroptères. Les murins de daubentons ont d’ailleurs une technique de chasse (ou de pêche !) redoutable qui leur permet de se saisir des alevins présents en surface de rivière. Leur présence aux abords du Buëch et sous les ponts est le signe d’un cours d’eau sain. Le Parc naturel régional des Baronnies provençales avait organisé à ce sujet des formations en 2016 pour les différents gestionnaires de cours d’eau et les élus locaux. Le but était de présenter les enjeux environnementaux liés au maintien des cordons de ripisylves (formés par arbres, buisson, herbacées des cours d’eau) pour prendre en compte l’épanouissement des chiroptères lors de nouveaux projets sur ces milieux (entretien, gestion, etc.).

Les ripisylves du Buëch ne permettent en aucun cas aux végétaux de se reposer sur leurs lauriers ! A chaque saison son paysage, à chaque pluie son lit ! La flore est ainsi toujours en alerte, et ne peut à aucun moment se reposer sur ses acquis ! Si ce milieu varié propose une biodiversité riche mais fragile, c’est aussi parce qu’il est en perpétuellement mouvement. Prenant sa source à plus de 2000m d’altitude dans le massif du Devoluy, la rivière peut vite prendre des allures de crues torrentielles en hiver, transportant dans ses eaux tumultueuses galets et troncs qui peuvent générer quelques dégâts sur les ouvrages hydrauliques (ceux créés par l’homme !) comme des embâcles. Mais comme chaque inconvénient présente aussi ces avantages, la biodiversité dépend aussi de ces sédiments qui s’installent tempétueusement au fil des saisons.

Parmi les activités économiques, on trouvera le long du Buëch un barrage (Saint-Sauveur), et des prises d’eau qui alimentent les nombreuses cultures alentours. Au moment du classement de la zone Natura 2000, il existait encore des carrières dans le lit de la rivière. Aujourd’hui, l’extraction a cessé, mais des carrières restent implantées en bordure immédiate. Si ailleurs en Europe, certaines rivières sont bel et bien en stress plutôt qu’en tresses parce que propices à l’activité humaine, on peut être assuré, ici, que le SMIGIBA se fait l’allié d’une rivière saine, où chacun trouve sa place, tout en peuvant également venir s’y détendre et l’admirer !

 

[1] Une espèce endémique

[2] Les adoux proviennent de la nappe d’accompagnement. Il s’agit des écoulements d’eaux souterrains accompagnant tout cours d’eau. Ces nappes peuvent alimenter les nappes phréatiques mais s’en distinguent de par leur fonctionnement.

[3] Barrages qu’il ne faut pas toucher ni franchir d’ailleurs, car ils sont protégés, tout comme les ingénieurs à fourrure qui les construisent la nuit en tronçonnant les arbres, sans ménager leurs efforts !

 

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