Une nouvelle espèce de Vautours observée dans les Baronnies provençales

Rencontre avec Julien Traversier, salarié de l’association Vautours en Baronnies, qui nous parle de cette nouvelle espèce de Vautours observée dans le Parc : les Vautruches.

Julien Traversier, quand avez-vous observé un Vautruche pour la première fois ?

J’ai observé un Vautruche pour la toute première fois la semaine dernière. Il pleuvait beaucoup, avec du brouillard, on n’y voyait pas à cinq mètres. Les conditions météo étaient vraiment favorables pour observer le Vautruche. Nos collègues naturalistes locaux nous avaient bien rapporté depuis quelques jours qu’un individu était présent dans la région, mais les sources n’étaient pas très fiables, et un peu contradictoires. Du coup, à l’association Vautours en Baronnies, on n’y croyait pas trop. Ça a été une vraie surprise pour moi.

A quoi ça ressemble un Vautruche ?

J’ai observé un beau mâle pendant de longues minutes, à la longue-vue. Malheureusement, je n’ai pas pu faire de photo car j’avais roulé sur mon appareil avec ma voiture quelques minutes avant… la malchance. Enfin, plutôt la chance de pouvoir observer une nouvelle espèce, ici, dans les Baronnies provençales !

C’est un oiseau vraiment remarquable. Il a tout de l’autruche, sauf qu’il a de grandes ailes. Il pèse une bonne centaine de kilos, et mesure entre deux mètres cinquante et trois mètres d’envergure, ce qui est une petite envergure pour son poids finalement… Au sol, il mesure 2 mètres de haut. Il se distingue par un très long cou, pelé. Il a vraiment une robe magnifique : le dessus de l’oiseau tire sur le jaune verdâtre, un peu caca d’oie, alors que son ventre est noir et ses rémiges (NDLR* : les plumes de l’extrémité de ses ailes) présentent de très jolis reflets violets. On pense que cette couleur est très visible pour les autres oiseaux, afin qu’il ne rentre pas en collision avec eux. Je dis « on pense » car c’est un oiseau pour lequel on manque cruellement d’informations : on ne connaît pas sa biologie pour le moment. Et dans le monde de la recherche, c’est une espèce encore mystérieuse : ceux qui travaillent dessus le font en secret.

Il y en a combien des Vautruches dans les Baronnies provençales ?

Observé à ce jour, un seul individu. On suppose qu’il y en a eu beaucoup plus dans la région, mais qu’ils ont disparu. D’ailleurs, on a une théorie, c’est que tous les trous que l’on voit dans les falaises, ce sont des ancêtres de Vautruches actuels qui les ont créés, soit volontairement pour préparer des cavités favorables à leur nidification, soit accidentellement.
Il faut dire que cet oiseau a un comportement assez remarquable : on l’a vu planquer sa tête dans les trous, les failles et les cavités des falaises. Et comme c’est un oiseau qui vole difficilement, surtout sous la pluie car l’eau alourdit son plumage, on présume qu’il y a eu des accidents et des Vautruches ont percuté les parois rocheuses et formé des trous.

Et comment se reproduit-il ? Quel comportement amoureux a-t-il avec les autres vautours ?

Comme je l’ai dit, il semblerait qu’il niche en falaise et se contente d’aménager de manière sommaire des cavités existantes. On pense qu’il creuse des trous dans certaines parois, volontairement ou un peu par maladresse quand il rentre en collision lorsque l’aérologie est mauvaise.
Avec les autres Vautours, il parait assez affectueux, peut-être un peu trop. On voit qu’il se sent seul, alors il essaie de séduire des femelles de Vautour fauve. Mais il est bien plus lourd et bien moins rapide en vol. Du coup, il n’arrive pas à parader avec elles. Mais je l’ai vu dans un champ au milieu des vaches, peut-être que le gabarit lui correspond mieux…

Quel cri fait le Vautruche ?

On ne peut pas l’imiter. C’est à mi-chemin entre le rugissement d’un félin, le cri d’un Vautour fauve, le meuglement d’une vache, mais c’est aussi très doux, comme une Alouette lulu. C’est à la fois intenable pour les oreilles et très mélodieux.

Et il va rester dans les Baronnies provençales ?

On ne sait pas trop, c’est difficile à dire. Ce qui va le décider, c’est de savoir s’il va trouver de quoi s’alimenter suffisamment. Il se nourrit de chenilles de Processionnaire du Pin. Enfin, plutôt de carcasses de chenilles ! Il ne faut pas oublier que, comme tous les vautours, c’est un charognard.

Vous allez l’étudier ?

Quand une espèce pareille se montre, bien entendu, on a envie d’en apprendre un peu plus sur cet oiseau. A l’association Vautours en Baronnies, on réfléchit à un piège pour le capturer et lui poser une balise GPS pour le suivre. Et ce serait vraiment intéressant de le faire, car comme c’est un gros oiseau, on peut se permettre de poser une grosse balise, comportant de nombreux modules : GPS, mesure de la vitesse de vol, du rythme cardiaque, du niveau de stress, du régime alimentaire ainsi que du transit et beaucoup d’autres choses. C’est une mine d’informations précieuses.

Et quel avenir pour le Vautruche ?

L’association Vautours en Baronnies hésite à lancer un programme de réintroduction, ou plutôt de renforcer la population existante en recherchant des individus femelles à relâcher. On en discute, mais on ne sait pas encore s’il rencontrera ici des conditions favorables à son installation.
On avait gardé l’info secrète, pour préserver l’espèce, mais maintenant que ça commence à se savoir, on s’attend à voir des centaines, voire des milliers de voyageurs venir dans le Parc pour voir le Vautruche. C’est bien pour cette espèce, il faut que les gens la connaissent. Mais on compte aussi sur eux pour l’observer sans le déranger.

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