« RESILIENCE ». Ce terme utilisé régulièrement dans les journaux ou sur les plateaux de télévision pour désigner la capacité de notre société à faire face et à s’adapter quotidiennement aux nouveaux épisodes que la crise sanitaire impose, fait référence à un concept écologique et environnemental. Mais que sous-tend-il concrètement ?
Résilience donc !
Venu tout droit des Etats-Unis («resiliency »), le terme aux consonances douces et vives indique à la fois une résistance aux chocs et un rejaillissement où le vivant s’impose et s’organise de lui-même. Il est souvent utilisé pour évoquer un retour de la biodiversité après une catastrophe naturelle ou environnementale (tempête, inondation, incendie, …), ou après un phénomène anthropique (changement d’usage des sols, pollution, coupe forestière…) provoquant un déséquilibre. La résilience définit ainsi ce retour à un biotope stable et autonome. Les chercheurs s’accordent sur un fait : plus un espace est riche en biodiversité, plus il est résilient et donc capable de résister aux perturbations.
Un phénomène complexe qui varie selon chaque milieu
La résilience peut se manifester par un retour naturel d’individus rares, lorsque les conditions sont réunies. Là où la nature rime avec diversité écosystémique, qu’il s’agisse d’une forêt ou d’un bord de rivière, ces milieux vivants et accueillants sont autant de possibilités supplémentaires pour les animaux et végétaux d’étendre leur territoire. Ainsi en est-il du castor dans le Parc naturel régional des Baronnies provençales qui a su, avec le temps, recoloniser la vallée du Rhône. La présence d’une espèce agrandit naturellement les différentes chaines alimentaires et un nouvel équilibre s’installe de lui-même.
De son côté, l’Homme peut chercher à améliorer la résilience des écosystèmes qui l’entourent, en restaurant les fonctionnalités écologiques, grâce notamment à des réintroductions. A titre de référence, le ministère de la transition écologique a invité le Parc à évaluer les impacts liés à la réintroduction des vautours dans les années 90. De la fonction écologique* à la fonction culturelle, diverses activités interagissent à leur manière avec l’espèce. Les vautours ont une fonction écosystémique indéniable et ce sont quelques 18 messages clés qui ont été révélés à travers cette étude. Menée par Romain Barou alors en mission pour le parc en 2018, il a pu mettre en valeur des indicateurs écologiques, culturels, socio-économiques et technologiques, qui en font un cas d’école incitant d’autres territoires à initier à leur tour des programmes de réintroduction.
A Saint-Sauveur-Gouvernet où vit actuellement Romain Barou, le jeune homme se fait le garant d’une biodiversité préservée autour de la ferme. Ainsi constate-t-il régulièrement à l’aide de pièges photos qu’il pose pour le plaisir de la présence de cerfs, blaireaux, chevreuils, pinsons, rouges-gorges et autres campagnols. Lui qui a travaillé avec l’association Vautours en Baronnies après avoir rejoint le Parc naturel régional des Baronnies provençales connaît bien les vautours et tous les bénéfices que les autres espèces, et l’homme en particulier, peuvent en retirer.
Le travail de Romain a ainsi montré qu’en croisant les approches et en évaluant les avantages et les contraintes, on peut révéler la place que le vivant occupe dans la vie quotidienne de nombreux habitants du Parc. A travers des programmes de réintroduction, nature et culture sont de nouveau réunies pour ne former qu’un tout, un écosystème bel et bien vivant où l’interdépendance règne tout en offrant à la nature un espace de liberté grandiose. Les bénéfices pour les espèces sont immenses, et les ricochets peuvent aussi permettre des évolutions économiques, sociales ou culturelles non négligeables pour l’Homme. Ne nous méprenons pas pour autant, si la résilience rime avec une biodiversité riche, cela n’implique pas un retour nécessaire à l’état originel. En effet, rares sont les milieux ayant subi une perturbation pouvant retourner à leur état antérieur. Néanmoins la nature jouit de cette aptitude à pouvoir s’adapter. Quant à l’homme, souvent pivot dans les processus rapides, il ne peut pas toujours réparer ce qu’il a détruit. Le défrichement d’une forêt nécessitera plusieurs cycles avant de se régénérer, et le retour à un écosystème riche pourra parfois demander des siècles, voire des millénaires.
*Dans les Alpes et dans les autres régions où l’espèce est présente, la population de vautours fauves permet chaque année l’élimination de plusieurs centaines de tonnes d’animaux d’élevage morts. Ainsi il n’est plus nécessaire de transporter les carcasses dans des grands centres d’équarrissage situés dans d’autres régions de France. Les effets se font ressentir tant auprès des éleveurs qui sont économiquement gagnants, et participent ainsi à la réduction de la pollution que la chaîne classique impose.