Nous traversons ce paisible moment de l’année où les massifs forestiers des Baronnies provençales sont encore verdoyants. Mais 2023 réitère son invitation officielle vers une nouvelle sécheresse, alors que le souvenir est encore vif d’un été noir pour les forêts en France en 2022. Prendre en considération collectivement les événements météorologiques et le dérèglement climatique dans la gestion des espaces naturels est devenu primordial, le risque incendie se faisant menaçant pour tous. Il s’agit d’ailleurs d’un sujet sur lequel le Parc naturel régional des Baronnies provençales ne travaille pas uniquement l’été, mais toute l’année.
6 avril 2023. Philippe Sabatier, Président de la commission forêt et risques naturels du Parc, et le chargé de projet « forêt et environnement » ont réuni les élus de la commission pour un temps d’information et d’échanges dans la forêt domaniale des Baronnies à Propiac. Propriété de l’Etat, cette forêt est gérée par l’Office national des forêts (ONF). Deux agents de l’ONF, Guillaume Monier et Michel Norbert, sont présents pour présenter leur travail et le projet de mise en sécurité du massif de Pierrelongue qu’ils ont mené ici avec le Parc afin d’en faire un cas d’école pour d’autres communes du territoire qui souhaiteraient initier des actions de protection de leurs habitants et usagers face aux risques d’incendies.
Ce jour-là, c’est la piste D.F.C.I. qui est au cœur des attentions. Longue de quatre kilomètres, sa réalisation a demandé plus d’un mois de travaux et couté plus de 60 000 euros dont une large partie a été prise en charge par l’Union européenne. La piste, qui sera utilisée par les pompiers en cas de besoin, doit leur permettre d’accéder aux citernes de ravitaillement et former une boucle pour qu’ils ne se retrouvent pas pris au piège des flammes. Aussi doit-elle répondre à quelques critères essentiels comme être large de quatre mètres minimums afin qu’un camion de pompiers puisse circuler. Une fois la route forestière mise en place, ce sont d’autres aspects qui doivent être anticipés, notamment le fait que le maître d’ouvrage se doit d’assurer pendant cinq années l’entretien de la voirie créée. Les interrogations surviennent alors pour les élus réunis ce jour-là concernant la durée de cette obligation d’entretien.
Pour identifier de nouveaux projets d’équipements de Défense des forêts contre l’incendie (D.F.C.I.) de manière concertée, l’ONF et le Parc, réunis autour des mêmes problématiques, invitent à donner dès les premières discussions une dimension participative au projet. En effet, le forestier suggère d’inclure dans la discussion les chasseurs, usagers des routes forestières, qui peuvent participer à son entretien et à sa surveillance pendant une partie de l’année, tout comme certains agriculteurs ou les associations de randonneurs. Par ailleurs, les pompiers sillonnent régulièrement les pistes D.F.C.I. lors d’entraînements. Avec le SDIS qui dispose d’un atlas des pistes du département, les équipes peuvent aussi informer les porteurs de projets de l’état de la voierie. L’hiver, les pistes peuvent se dégrader du fait de l’humidité ; or une piste sèche s’altérera moins vite. Des solutions existent pour y remédier, comme élaguer à l’aplomb pour permettre à l’air de circuler, débroussailler les bords de pistes, ou encore supprimer les arbres qui feraient trop d’ombre. On peut s’étonner, en tant qu’usager ponctuel de la forêt, de ces travaux d’entretien qui, visuellement, pourraient nous apparaître comme le signe d’une pratique incohérente pour la préservation de l’environnement. Or, ils contribuent de fait à la protection des forêts puisqu’ils permettent aux pompiers de circuler sur une piste praticable. Sur le même principe d’appréciation visuelle du paysage, la visite qui se poursuit sur un passage à gué bétonné pourrait laisser penser à une exagération des pratiques d’aménagement. Mais rassurons-nous, il n’en est rien : sans l’apport de blocs de pierre et de béton, le franchissement du ruisseau des Jonchiers serait impossible en cas d’incendie. Le paysage ainsi transformé s’explique, et le constat est fait qu’il faut accompagner la réalisation de ce type d’ouvrages par de la sensibilisation des habitants et usagers
Plus loin, la visite se poursuit sur une plantation de pins maritimes, une essence assez résiliente aux incendies. Cette plantation a été réalisée dans le cadre du Plan de relance de l’Etat qui, en 2021, a incité à la réalisation de plantation de renouvellement forestier, une manière d’adapter les forêts au dérèglement climatique. Afin de constituer des forêts « mosaïques », plus résilientes, les forestiers laissent néanmoins place au maximum à la régénération naturelle des peuplements au côté de leurs plantations. De plus, sur les 1150 ha de la forêt domaniale des Baronnies, 400 ha sont laissés en libre évolution.
La gestion d’une forêt recoupe plusieurs logiques, car il s’agit de choix économiques, sociaux et environnementaux qu’il faut concilier. Paradigme supplémentaire, celui du rapport au temps : « On n’est pas des forestiers dans la bonne époque ! Notre rapport au temps, dans ce monde où il faut tout faire vite, n’est pas celui dont la nature a besoin. On ne sera pas les bénéficiaires de ce qu’on fait aujourd’hui, il faut l’accepter » déclare le garde-forestier, qui ajoute qu’il faut aussi prendre de la distance à plusieurs égards : « Un massif touche souvent plusieurs villages, et c’est cette dimension qu’il faut aussi avoir en tête : une cohérence de massif, plus qu’une cohérence de commune ». Dans cette approche globale d’un territoire, la vision d’un Parc est un atout considérable, qui permet de concilier les points de vue. « Dans ce type de projets, il faut aussi prendre en compte l’importance de l’éducation au territoire. Un enfant sensibilisé, à qui on explique la forêt, son fonctionnement et ses risques, c’est la famille entière qui est sensibilisée grâce à lui », déclare le chargé de projet, conscient de l’importance de redonner aux citoyens leurs parts de connaissance.