Rencontre avec Brigitte Talon, présidente du Conseil scientifique éthique et prospectif du Parc naturel régional des Baronnies provençales à l’occasion de la journée internationale des femmes et des filles de sciences (le 11 février).
Le parcours d’une femme de science et de terrain comme celui de Brigitte Talon peut inciter des jeunes femmes à se lancer dans la recherche. Présidente du Conseil scientifique du Parc naturel régional des Baronnies provençales, elle avoue rêver qu’un jour ces journées de promotion de l’égalité des droits entre femmes et hommes n’existent plus. Cela voudra dire qu’enfin, des freins, des autocensures et des leviers seront levés dans la société et nos esprits quant à l’accès des femmes à des métiers historiquement masculins. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon l’Unesco, moins de 30 % des chercheurs dans le monde sont des chercheuses. Entre 2014 et 2016, seules 30 % des étudiantes ont choisi des domaines liés aux sciences, technologies, ingénierie et mathématique dans le supérieur.
Jusqu’au baccalauréat, les filles obtiennent de meilleurs résultats dans toutes les matières, mais elles n’osent pas encore assez se lancer dans des études supérieures scientifiques. Les enseignants ont un rôle important à jouer pour encourager les jeunes femmes à pousser ces portes. Brigitte Talon, 58 ans, a eu la chance et le caractère d’y parvenir. Dernière de quatre filles dans une fratrie de six enfants, la petite était sportive, passait le plus de temps possible dehors, randonnait beaucoup avec son père et apprenait la mécanique avec son frère. Embrasser une carrière universitaire en écologie lui a offert d’être au plus près de la nature et d’allier activité physique et intellectuelle. Cette chercheuse et historienne des forêts transmet à ses étudiantes et étudiants la passion d’une discipline qui s’appelle la pédoanthracologie, l’étude des charbons de bois enfouis et piégés dans les sols suite aux incendies.
Rattachée à l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale à Aix Marseille Université, Brigitte Talon remonte le temps des forêts des Hautes-Alpes notamment et croise d’autres disciplines comme l’analyse pollinique, (étude du pollen) et l’étude des cernes des arbres (dendrochronologie). C’est ainsi que nous apprenons que les forêts d’altitude ont été pendant des millénaires composées de mélèzes et de pins cembro mais que les activités humaines les ont transformées en forêts de mélèzes. Ces recherches permettent surtout d’évaluer la capacité des essences forestières à s’adapter ou pas au réchauffement climatique, et à se régénérer après les incendies, qui vont devenir de plus en plus fréquents et intenses.
« J’ai l’habitude de dire que nous devons nous tourner vers le passé pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui d’un point de vue de la biodiversité et de la résiliences des forêts, afin de savoir quoi faire pour faire face aux enjeux climatiques et écologiques de demain » explique-t-elle. Extraire les charbons nécessite de creuser des fosses dans le sol des forêts, de prélever et redescendre souvent sur le dos une trentaine de kilos de terre par fosse, qui seront tamisés à l’eau au laboratoire et les charbons extraits identifiés au microscope. Bien que cette discipline, comme la plupart de celles qui étudient le passé, demande de bonnes capacités physiques, « J’incite les étudiantes à s’intéresser à ces recherches, car nous sommes souvent sur le terrain et que nous nous entraidons pour toute la partie physique de notre travail ». La patience et le goût du travail en équipe sont des qualités requises. « Gérer des nouveaux paysages à l’heure de la transition climatique, concilier la filière bois, le tourisme, le pastoralisme, penser la ressource en eau, c’est tout un équilibre à trouver qui me passionne. C’est pour cela que je suis enseignante, et que je me suis engagée au sein du Parc naturel régional des Baronnies provençales ».