Si l’élevage ovin est synonyme de production laitière ou de viande aujourd’hui dans les Baronnies provençales, cela n’était pas le cas au 17e et 18e siècles. Bien sûr, la laine était la production recherchée, mais les troupeaux étaient surtout utiles pour leur fumier. Celui-ci constituait une matière organique essentielle pour enrichir les sols, et créer une couche d’humus digne de ce nom, propice aux cultures.
Depuis un an, le Parc des Baronnies provençales, avec l’INRA, Agribiodrôme et la fédération départementale ovine travaillent ensemble au recensement des producteurs faisant pâturer des troupeaux dans leurs parcelles d’arbres fruitiers ou de vignes. L’objectif de ce projet est d’analyser les pratiques de ces agriculteurs et éleveurs, de recueillir leurs questions et leurs besoins pour y apporter des réponses techniques et de favoriser les moments d’échanges entre professionnels.
À Mirabel-aux-Baronnies, nous avons rencontré Pierre Trollat, un aficionado de la terre, un amoureux de l’humus, un homme aux rêves simples qui se réjouit chaque jour du chant des oiseaux qu’il a su apprivoiser à sa manière et qu’il laisse batifoler à souhait dans ses cultures qu’il travaille en biodynamie. Installé sur un terrain situé entre 210 et 500 mètres d’altitude, la qualité de ses sols est variée, les limons de l’Eygues ou le safre des cimes ont des propriétés si différentes qu’ils lui imposent de multiplier les expérimentations pour adopter des techniques qui correspondent à son terroir.
Pierre a fait le pari d’activer la fertilisation de ses sols grâce au pâturage. Il élève un troupeau de vaches qu’il fait paître sous ses oliviers au printemps, puis dans les parcelles de ses voisins où l’herbe est généreuse. Plusieurs avantages à cette pratique : les vaches mangent les olives au sol, celles où se trouvent les larves de la mouche de l’olive (un fléau pour les récoltes de ces dernières années). Elles écrasent les chrysalides, appelées pupes, sous leurs lourds sabots en les détruisant. Leurs excréments enrichissent les sols en azote, un composant dont Pierre a besoin pour ses cultures.
L’agriculteur, qui a plus d’un tour dans son sac, et des idées à revendre, a tissé des liens avec la brasserie de Nyons, La Grihète, dont il récupère les résidus du brassage de céréales dépourvus d’OGM, pour réaliser un compost riche qu’il laisse mâturer une longue période de l’année. Il en récupère ensuite le nectar qu’il agrémente d’une tisane de bouses de cornes qu’il épand sur ses terres suivant un calendrier lunaire précis.
Ne lui parlez pas de labour, Pierre est un acharné du travail, et préfèrera passer la débroussailleuse sous les rangs d’oliviers et travailler en superficie son sol dans l’inter-rang autant de fois qu’il le faut, ou louer les services de chevaux de trait pour le décavaillonnage, plutôt que de sacrifier la biodiversité de son terroir.
Depuis qu’il applique ces méthodes respectueuses, des vers de terre ont trouvé à Mirabel aux Baronnies un coin de paradis. La couche d’humus qui recouvre le sol argilo-calcaire est belle et bien vivante.
Pierre Trollat, qui du haut de ses 10 ans se rêvait déjà en éleveur bio, veut aujourd’hui transmettre ses valeurs et son savoir-faire pour mieux inspirer les prétendants à l’agriculture, et les inviter à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Le 26 juin prochain à Nyons, une journée d’étude réunira les professionnels pour un temps d’échanges autour du pâturage sous cultures pérennes. La journée se clôturera chez Pierre Trollat où le grand public sera invité à découvrir sa ferme biodynamique et ses pratiques douces.