Drôles de vies de châteaux dans les Baronnies provençales – épisode 1

De l’oppidum gaulois au PC de commandement de tirs des missiles balistiques nucléaires de la force de frappe française, les Baronnies provençales ont connu bien des formes de fortifications ! Points de contrôle des axes de communication, lieu de villégiature, protection des populations, ils ont eu mille et une vocations, parfois mouvantes. Aujourd’hui, dans le meilleur des cas, ils constituent des lieux de visite et de découverte pour les habitants et les visiteurs. Coup de projecteur sur des lieux familiers pas si bien connus.

De l’habitat perché au château féodal, comment utiliser le relief ?

Quand, dans les Baronnies provençales, on parle d’habitat perché, on pense souvent aux châteaux qui jalonnent certains sommets de collines ou de montagnes. Dans le meilleur des cas, il en reste une belle tour quadrangulaire qui, comme à Alençon (commune de Roche-Saint-Secret-Béconne) ou à Bruis, a presque conservé toute son élévation. À Venterol (château Ratier) ou à Verclause, l’élévation est là, mais un pan de mur a été effondré. Plus souvent, il n’est subsiste que le premier niveau, comme à Lachau (la tour dite de Riable) ou à Montclus. Mais toujours, aux alentours, des traces de fossés, creusés dans la roche, sont la preuve d’une fortification plus étendue, en pierre ou en bois qui entourait la tour, sa cour et sa basse-cour. En contrebas, on repère des terrasses aménagées, chaque alvéole pouvant être la dernière trace d’une maison, parfois des pierriers et un mur un peu plus large que les autres qui atteste d’une fortification villageoise de la fin du Moyen Âge. Le château et le village de La Roche-sur-le-Buis sont, de ce point de vue, exemplaires.

Mais, au cours des millénaires, l’habitat perché a pu prendre des traces multiples. On connaît fort peu les sites perchés d’habitat de la fin du néolithique, simplement aménagés dans la pente, comme aux Gandus (commune de Saint-Ferréol-Trente-Pas) ou à Sainte-Colombe. On a repéré plus facilement quelques sites d’oppida de l’âge du fer (mais qui réoccupent parfois des sites plus anciens de l’âge du bronze comme au Rocher des Aures à Roche-Saint-Secret-Béconne). De grands murs en pierre sèche qui barrent une colline ou une portion de plateau servent souvent de repère à l’archéologue. Parfois des fonds de cabanes font fantasmer les plus imaginatifs. Toutefois, ce type d’habitat, relativement fréquent en bordure occidentale du massif, disparait plus on s’avance vers l’est au cœur des Baronnies provençales, comme si, après cette ligne de fortification, le besoin ne s’était pas fait sentier de reprendre cette organisation de l’habitat et de l’espace.

Peu de mention des fortifications gallo-romaines, connues pourtant ailleurs comme sur le Pic de Luc (-en-Diois), tout comme de celles du haut Moyen Âge, peut-être recouvertes par des occupations postérieures, mais qui requièrent aussi une acuité plus grande.

C’est donc bien au temps de la féodalité qu’on semble avoir utilisé les ressources du relief pour y implanter des habitats fortifiés de hauteur. On connait mieux leur histoire et leurs formes depuis les thèses de Michèle Bois, Marie Pierre Estienne et Nathalie Nicolas, dans les années 1990-2000.

La fréquence de ces habitats dans les Baronnies provençales (on en trouve généralement un dans un périmètre de 2 kilomètres) peut étonner. Mais le relief de la région offre des ressources importantes. Non seulement les possibilités de perchement sont multiples, mais le cloisonnement lié au relief, la possibilité assez facile d’associer habitat, ressource en eau pour l’alimentation et comme force hydraulique, contribuent au morcellement du territoire et favorisent la seigneurie banale. À partir du XIe siècle, chaque seigneur cherche à regrouper autour de sa tour et de son modeste château des villageois, devenus ses obligés, qui étaient jusqu’alors éparpillés en hameaux ou dans des habitats hérités des anciennes villae gallo-romaines. Il construit un moulin et un four où ils ont l’obligation d’aller faire moudre leurs blés et cuire leur pain. Il réglemente les usages, taxe les productions sur des terres dont ses vassaux sont tenanciers, administre sa justice.

Certaines de ces tours ont aussi été implantées dans un contexte plus urbain comme à Nyons (tours Dauphine et tour Randonne), à Rosans ou au Buis (ancien château des Mévouillon près du couvent des Dominicains). Leur implantation est davantage commandée par une origine (souvent religieuse) plus ancienne. Elles étaient associées à de l’habitat noble qui a parfois disparu, mais qui subsiste parfois comme au Buis et à Nyons.

Au cours du Moyen Âge, l’implantation et la forme des châteaux change malgré tout, même si l’ordre social semble rester immuable. Certains habitats du XIe et XIIe siècles sont abandonnés pour des sites plus commodes. Ainsi le site initial de Lachau semble avoir occupé une butte située au nord et sous la montagne de Riable avant de s’installer aux environs de l’église Saint-Martin. On observe un phénomène comparable à Ribiers où la fondation du village est en partie associée à l’abandon de sites fortifiés perchés. Le château de Peytieu, aux confins de Châteauneuf-de-Bordette et de Bénivay-Ollon est abandonné pour celui de Châteauneuf (qui dans son nom rappelle implicitement l’existence d’un « château vieux »). Dans certains cadastres anciens, ces sites sont appelés chatelas (Sahune) ou Castellac (Pomet, commune de Val-Buëch-Méouge). Ce mouvement continue encore au XIIIe siècle. L’habitat se regroupe alors souvent auprès de « bâtie ». C’est le cas à Vesc, mais aussi à Saint-Sauveur, à Gouvernet ou à La Bâtie-Verdun. À la même époque, de l’autre côté du col de Peruergue, le site de Dulion est abandonné et le village de Sainte-Euphémie est créé. Les villages, quand ils n’ont pas à s’adapter à des contraintes topographiques, prennent alors une forme régulière, rectangulaire, aux rues qui se croisent à angles droits.

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