Le jeudi 28 mai, au petit matin, sur les hauteurs de Villeperdrix régnait une excitation inhabituelle. Un petit groupe de personnes s’était rassemblé à l’Observatoire des vautours pour un rendez-vous un peu particulier. A leurs côtés, à l’arrière d’un pick-up, deux oiseaux s’impatientaient dans leurs cages. Il faut dire que le voyage avait été long. Ils ne le savaient pas encore, mais les falaises qu’ils apercevaient à travers les barreaux allaient très bientôt être leur lieu de vie, et leur terrain de jeu.
Et il ne s’agissait pas de n’importe quels oiseaux : baptisés Angèle et Sureau, ce sont deux Gypaètes barbus, un rapace particulièrement menacé à l’échelle mondiale. Respectivement nés dans les zoos de Liberec (Tchéquie) et de Schönbrunn (Autriche), leur lâcher en ce jour du 28 mai était l’aboutissement d’un travail remarquable de l’association Vautours en Baronnies, de la LPO France et de la Vulture Conservation Foundation. Cependant, du fait de l’état d’urgence sanitaire, le public n’a pas pu être convié à assister à leur réintroduction.
Au moment de leur réintroduction, Angèle et Sureau étaient âgés respectivement de 97 et de 91 jours. Avant d’être réintroduits, les deux Gypaètes barbus ont été pesés, bagués, équipés d’une balise GPS, et plusieurs de leurs plumes ont été décolorées. Ils arborent un plumage aux motifs particuliers qui les rendra reconnaissables. Puis, la petite équipe a remis les « poussins » de 4 kilos dans leur cage et les a montés à dos d’homme jusqu’à un nid artificiel (appelé « taquet ») dans des falaises qui surplombent le hameau de Léoux. Le secteur, d’une grande quiétude, fait partie du site Natura 2000 des « Baronnies – gorges de l’Eygues », dont l’animation a été confiée au Parc.
Pour le moment, Angèle et Sureau sont non volants. Leur envol est prévu à l’âge de 120 jours environ, lorsqu’ils le décideront. D’ici là, nos deux poussins sont nourris (de nuit pour éviter tout contact avec l’homme) et surveillés en continu par des salariés et des stagiaires de Vautours en Baronnies ainsi que par des bénévoles. L’occasion de saluer leur énergie et leur investissement permanent qui contribuent à la réussite, depuis 2016, des réintroductions de Gypaètes barbus dans les Baronnies provençales.
Cependant, quelques jours après sa réintroduction, Sureau a connu une mésaventure : il a perdu l’équilibre et a chuté de quelques mètres en contrebas. Les membres de Vautours en Baronnies, vigilants, sont immédiatement allés le récupérer et l’ont isolé dans une volière d’acclimatation, pour l’observer. Le lendemain, l’oiseau ne s’était toujours pas rétabli. Affaibli, il a été transporté jusqu’à Laragne-Montéglin dans les Hautes-Alpes où il a passé quelques examens en clinique vétérinaire. Résultats : une fracture à l’aile droite, qui allait nécessiter une opération. L’oiseau a donc été opéré par une vétérinaire spécialiste, au sein de l’hôpital pour la faune sauvage Garrigues-Cévennes 34, géré par l’association Goupil-Connexion. On vous rassure, les premières nouvelles de l’oiseau sont bonnes et l’opération s’est bien déroulée. Nous vous tiendrons informé de son état de santé dans les prochaines semaines. Souhaitons donc à Sureau un bon rétablissement !
En qualité d’animateur du site Natura 2000 des « Baronnies – gorges de l’Eygues », le Parc accompagne la réintroduction du Gypaète barbu : suivis, concertation pour préserver la quiétude des sites, accompagnement dans la mise en œuvre des placettes d’équarrissage… De plus, la réintroduction du Gypaète barbu dans les Baronnies provençales s’inscrit dans le cadre du Life GypConnect, dont le Parc est partenaire. Ce programme européen vise à réintroduire des Gypaètes barbus dans les Préalpes et le Massif Central afin de créer des noyaux de population dans ces régions. A terme, cela favorisera les mouvements d’oiseaux et le brassage génétique entre les populations historiques des Alpes et des Pyrénées. Ces réintroductions contribueront à la pérennité de l’espèce en Europe de l’Ouest. La méthode de réintroduction dite « du taquet » permet aux oiseaux de considérer les falaises où ils ont pris leur envol comme leur lieu de naissance. Le Gypaète barbu étant une espèce philopatrique, c’est-à-dire qu’elle revient nicher là où elle est née, les oiseaux réintroduits devraient donc choisir les Baronnies provençales pour se reproduire dans quelques années.