Îlots de nature, les mares s‘avèrent de précieux alliées du jardin. Utiles aux agriculteurs qui cherchent à mettre en place des pratiques durables, elles peuvent également s’avérer propices à la biodiversité chez les particuliers. Conciliées à des haies ou à une pratique en agroforesterie, ces techniques peuvent permettre la mise en place des trames écologiques qui auront une utilité certaine pour la faune et la flore, quelle que soit leur taille ou leur prétention, en visant un but commun : favoriser la vie dans tous les milieux.
C’est aux Pilles, dans la zone agricole des Tuilières, cette étendue fertile au creux de l’ancien lit de l’Eygues, que Jean-Denis Lods, maraîcher, et Olivier Lannès, éleveur, sont devenus des voisins complices. Leurs métiers co-habitent, dialoguent en tendant vers le durable, et deviendront, d’ici quelques années bel et bien complémentaires. Quand l’un pratique pratique la permaculture, l’autre plante des arbres, chacun avec l’envie non dissimulée de « laisser faire » le vivant déjà existant au maximum, quand c’est possible. Avec leurs méthodes respectives, ils travaillent quotidiennement cette langue de limon propice au maraîchage, une caractéristique suffisamment rare dans notre région pour en faire un terrain de choix. Jean-Denis qui a beaucoup appris de la nature en vivant sur de grandes terres sauvages comme en Australie, déclare avec sagesse : « Si on veut favoriser la biodiversité, le mieux qu’on ait à faire, c’est de ne rien faire. » Pourtant, Jean-Denis passe beaucoup de temps dans son jardin, avec sa compagne Mélodie qui y travaille avec lui au quotidien. Pratiquant une agriculture sur sol vivant, ils apportent le broyat végétal nécessaire en surface. Cette méthode douce nécessitera au moins dix années de travail avant d’obtenir un sol accueillant. En attendant, quelques légumes poussent à leur manière, même s’il faut faire avec les aléas et les saisons capricieuses , que les clients doivent accepter.
Avant son arrivée aux Pilles il y a 5 ans, le prédécesseur de Jean-Denis pratiquait déjà l’agriculture biologique, et avait déjà installé une petite mare. Cette année, et avec l’accompagnement technique de la LPO, d’Agribiodrôme, et du Parc naturel régional des Baronnies provençales dans le cadre de l’animation du Projet Agro-Environnemental et Climatique, financé par l’Europe et le Ministère de l’agriculture, il a pu en creuser une deuxième, plus grande.
Les fonctions d’une mare sont nombreuses. Elles participent notamment à créer des poches de fraîcheur, et sont des abreuvoirs pour les animaux sauvages, les oiseaux et les insectes. Les plans d’eau favorisent également la vie des plantes qui à leur tour, se font des hôtes de choix pour de nombreuses espèces. Jean-Denis constate que les libellules viennent volontiers se nourrir des insectes présents aux abords de la mare, et que les abeilles mellifères issues des ruches qu’il accueille sur son terrain, s’y abreuvent également. Ces espèces sont des alliés certains pour sa production de légumes et pour ses arbres fruitiers.
Olivier, le voisin éleveur et berger transhumant, plante des arbres pour ses bêtes … Mais aussi pour ses voisins ou plus précisément pour les futurs locataires des Tuillières: « Avec les conseils de l’Association Drômoise d’Agro-Foresterie, j’ai planté une vingtaine d’essences, mais je ne verrai pas le fruit de mon travail. Quand on plante des arbres, c’est rarement pour soi. On ne vit pas assez longtemps pour en constater le résultat. Mais c’est aussi ça l’agriculture, c’est savoir anticiper pour les générations futures. » Olivier parle de son travail tout en gardant un oeil sur les oiseaux qui volent au-dessus du village. Dans cet éco-système rare le long de l’Eygues, il constate que de nombreuses espèces ne vivent plus ici malgré la présence de la rivière et des collines boisées. En recréant des haies et en plantant des arbres intra-parcellaires, il espère secrètement les voir revenir : moineaux friquets, pies grièches écorcheurs, huppes… peut-être. L’éleveur, également éducateur à l’environnement et président de l’association Sentouleygues, a accueilli l’école de Curnier pour un atelier de plantation des haies, grâce à un projet pédagogique mis en place avec le Parc. Les enfants ont pu découvrir que les arbres sont des habitats bienvenus pour les insectes pollinisateurs. Ces brise-vent naturels qui entourent le sainfoin destiné au troupeau, apportent de l’ombre l’été aux cultures, et permettront un espace de bien-être aux bêtes en devenant par la suite des surfaces de grattage. Ailleurs, les haies permettent de limiter l’érosion des sols, et participent, avec les autres méthodes durables de lutter contre le réchauffement climatique. Olivier envisage d’installer prochainement des nichoirs qui permettront à de nouvelles espèces de s’installer dans ce petit paradis, le temps d’une saison ou plus longtemps.
Toutes ces méthodes douces sont applicables par chacun, dans son potager ou autour de la maison. Notez que si vous voulez installer une mare dans votre jardin quelques conseils s’appliquent : Il est préférable de faire une mare irrégulière pour permettre à différents animaux d’y co-habiter. En concevant la mare, pensez à créer des pentes douces pour que les insectes et animaux puissent s’installer au bord pour y boire. Pour ceux qui tomberaient à l’eau, on peut ajouter de petites branches de bois qui leur permettront de ressortir. Par ailleurs, planter des arbres ou des arbustes autour du bassin peut permettre un apport d’ombre qui sera nécessaire en été pour les espèces qui en feront leur gîte. Enfin, pensez à ajouter de l’eau de temps en temps pour garder un niveau suffisant. Dernier conseil, la patience reste le maître mot ! Pour qu’un écosystème se mette en place, trois années seront nécessaires, même si les premières espèces seront visibles très rapidement.