Si aujourd’hui les enfants passent trois fois moins de temps dehors que leurs parents ne le faisaient au même âge, les petits baronniards ne sont pas de ceux là ! Les projets d’éducation artistique et culturelle que le Parc naturel des Baronnies provençales accompagne visent, pour beaucoup d’entre eux, à inciter les enseignants à emmener les jeunes dehors, au contact de la nature, en toutes circonstances et par tous les temps. Cette « école du dehors » connaît actuellement un fort intérêt en ces temps de crise sanitaire et s’avère être une pédagogie innovante qui pourrait trouver en nos régions une raison d’être particulière. Rencontre avec une enseignante qui innove sur le terrain de la nature.
A Venterol, l’école en extérieur a le vent en poupe. Dans cette petite éco-école rurale, labellisée E3D, tout pousse les enfants à gambader dans les folles avoines. Chaque semaine, Emilie Garreau, directrice et enseignante, organise une demi-journée au grand air pour les élèves de sa classe unique qui mêle tous les niveaux, du CE1 au CM1. S’inspirant volontiers de la pédagogie Montessori, chaque sortie est un nouveau prétexte pour partir à l’aventure. Cela ne s’invente pas, l’école de Venterol porte ce nom symbolique d’Ecole du bout du monde. Mais contrairement à ce que pourrait laisser entendre ce joli nom, ce n’est pas le bout du monde que d’inventer des méthodes qui ravissent les uns et qui font sens pour tous ! Pour les mettre en pratique, rien de plus simple, il suffit de pousser la grille de la cour… Et c’est parti !
Sortir, bouger, s’aérer le corps et l’esprit sont les secrets d’une classe épanouie et sereine. Remettre la nature au centre des apprentissages semble une évidence qu’on a pourtant pu oublier, favorisant trop souvent une pédagogie qu’on pourrait qualifier de « hors-sol ». Se reconnecter à la terre plutôt qu’aux écrans est essentiel. Dehors, c’est une autre histoire qui se joue. Le corps tout entier est sollicité, un apprentissage kinesthésique se met en place. Tous les sens de l’enfant sont en éveil, favorisant la concentration et l’attention, et permettant à la mémoire de s’activer par le geste. Être entouré de nature permet d’être en lien avec un monde dont on peut apprécier la beauté. Ainsi c’est la sensibilité de chacun qui est sollicitée naturellement, l’enfant devenant conscient de son environnement par la même occasion. Emilie le constate tous les mardis : « l’après-midi en extérieur leur fait du bien, ils en ont besoin, c’est une classe qui a besoin de bouger. » Si au début les enfants pensaient passer l’après-midi en récréation, ils se sont vite rendu compte que le but était bel et bien de travailler. Mais comparer l’enthousiasme d’un temps en classe ou celui de l’annonce d’une séance dehors est bien différent. Et il faut avouer que l’idée de terminer chaque séance sur un temps libre qui prend souvent un air de chantier « construction de cabanes » séduit toute la classe, et ce quelle que soit la météo !
Dans ces conditions, favorables à l’apprentissage, toutes les activités sont imaginables. Emilie Garreau a déjà testé pas mal de possibilités en utilisant des outils extérieurs faciles à mettre en place. Elle a par exemple permis aux enfants d’appréhender la géométrie en leur faisant mesurer le stade. Les sorties sont une occasion unique d’utiliser des boussoles, et ainsi d’apprendre à se repérer dans l’espace. Le jardinage permet de multiples apprentissages comme celui des saisons, des gestes simples, ancestraux, trop longtemps oubliés, qu’elle se plaît à remettre au goût du jour. Ses élèves ont aussi eu la chance de participer à des ateliers radiophoniques, organisant des séances d’écoutes dans des espaces extérieurs inattendus en allant interviewer les habitants du village pour connaître l’origine du nom de leur village, Venterol. Cette semaine le travail consistera à permettre l’écoute attentive de la nature. Chaque enfant choisit son « sit spot », au milieu des arbres, ou près de la rivière, les enfants prennent quelques minutes seuls et en silence pour écouter le vent, les clapotis de l’eau et apprendre à se repérer dans l’espace sur une carte sonore qu’ils dessinent. Ensuite il faudra repérer les sons graves, les aiguës aussi, et les représenter schématiquement sur une feuille. En rentrant en classe, chacun remplira son cahier de l’école du dehors, et y notera ses observations.
Par 5°C en cet après-midi du mois de janvier, pas question de lézarder, il faut s’activer pour ne pas prendre froid. Un hiver rigoureux s’est installé doucement mais Emilie, elle, n’a pas été frileuse sur le programme ! Chaque mardi est propice à lui permettre d’imaginer des activités simples comme des moments plus élaborés. La semaine prochaine, elle envisage de mettre en place une séance de « fouille archéologique » : dans les bacs à sable de l’école, elle dissimulera des objets pouvant faire référence à la préhistoire, on imagine déjà l’euphorie que les découvertes généreront ! Plus tard dans l’année elle prévoit d’emmener les enfants camper à Sahune. L’occasion de rencontrer d’autres classes du Parc, et de partager entre enfants une soirée sous les étoiles guidée par un astronome qui leur fera découvrir les secrets des planètes et constellations.
Sans crainte de rhume ou de virus, au contraire, les parents adhèrent à 100% à la méthode ! En extérieur, les gestes barrières sont d’ailleurs plus faciles à mettre en place. En attendant les beaux jours et les lectures au soleil au pied de l’arbre, les enfants goûtent les saveurs qu’offrent chaque saison, en toute liberté et pour leur plus grand plaisir. Et pour bien finir une journée dehors, Emilie invite les enfants à aller « câliner » l’arbre de leur choix, un temps surprenant pour certains au départ, auquel tous ont finalement adhéré parce qu’ils le disent : « ça nous fait du bien ! ».